Dis-moi ce que tu lis, je te dirai ce que tu écris #2
La Ville sans Vent, Éléonore Devillepoix
Temps de lecture : 4 minutes
L’été, c’est le bon moment pour bouquiner. Les longues journées de farniente, la chaleur qui décourage des activités sportives…
(Pas que j’en fasse davantage en hiver, mais bon.)
Mon été à moi ne m’a pourtant pas laissé le loisir de me plonger dans des lectures conséquentes. Parce qu’une fois que je commence un roman, il me happe – et je suis indisponible pour tout le reste jusqu’à ce que j’aie atteint le point final. Imagine ce qui se passe quand je découvre une série complète…
Comme je ne voulais pas me déconcentrer ainsi cet été, j’ai donc privilégié des formats plus courts – dont je ne vais pas te parler dans ce mail ! Car il est temps que j’évoque une de mes lectures du printemps :
La Ville sans Vent d’Éléonore Devillepoix
Je suis tombée sur une interview de l’autrice au moment où je me renseignais sur les autrices françaises de fantasy (spoiler alert : il n’y en a pas beaucoup). Elle venait alors de publier le premier livre de son diptyque – et le pitch m’a tout de suite séduite :
A dix-neuf ans, Lastyanax termine sa formation de mage et s’attend à devoir gravir un à un les échelons du pouvoir, quand le mystérieux meurtre de son mentor le propulse au plus haut niveau d’Hyperborée.
Son chemin, semé d’embûches politiques, va croiser celui d‘Arka, une jeune guerrière à peine arrivée en ville et dotée d’un certain talent pour se sortir de situations périlleuses. Ça tombe bien, elle a tendance à les déclencher…
Lui recherche l’assassin de son maître, elle le père qu’elle n’a jamais connu. Lui a un avenir. Elle un passé.
Pour déjouer les complots qui menacent la ville sans vent, ils vont devoir s’apprivoiser.
En fin de compte, je n’ai pas lu ce roman à sa sortie ; le hasard a bien fait les choses : lorsque j’ai enfin eu l’occasion de me le procurer, le tome 2 était disponible ! J’ai donc dévoré le diptyque en… 3 jours, je suppose ?
Amoureuse des cosmogonies que je suis, j’ai adoré l’univers d’Éléonore Devillepoix : la ville sans vent porte ce surnom, car elle est protégée du froid qui règne à l’extérieur par une immense bulle. Et cette absence de brise joue même un rôle dans l’intrigue… Je n’en dirai pas plus !
Les personnages sont attachants et complexes, l’intrigue bien menée – et surtout, la duologie est empreinte de féminisme : à l’intérieur de la ville sans vent, la société patriarcale est contestée par Pyrrha, mon personnage préféré (forcément) et à l’extérieur, les Amazones bénéficient, elles, d’un modèle intéressant de matriarcat (développé surtout dans le second volet).
En plus, les couvertures sont magnifiques – dans un style qui me fait penser à La Passe-Miroir ! Et j’ai adoré la cohérence dans le choix des noms des lieux et des personnages, fortement inspirés de l’Antiquité et de la mythologie grecques.
Quelles inspirations en ai-je tiré ?
Une question de dureté
Dans sa cosmogonie, Éléonore Devillepoix évoque l’adamante, une roche transparente très solide. Cette racine est souvent utilisée en fantasy et science-fiction (l’adamantium, par exemple) et je n’y fais pas exception, puisque ma trilogie recèle de l’adamalite, une pierre noire indestructible, et de l’adaminte, un alliage de métal à base d’adamalite.
Je te fais un petit instant étymologie : ἀδάμας, adamas, du Grec ancien, signifie « inflexible, inébranlable » ou « incassable » en tant qu’adjectif, et désigne le métal le plus dur (probablement l’acier) et le diamant en tant que nom.
Pour ma part, j’ai torturé la linguistique pour mon adamalite, puisque j’y ai accolé le λίθος, lithos, qui signifie « pierre, caillou » – et j’ai supprimé le « h », considérant que son usage est tombé au fil de l’évolution de la langue.
(Et puis, adamalite c’est plus joli qu’adamalithe. Quitte à faire des néologismes, autant s’amuser !)
Idylle idéale ?
Autre point : Éléonore Devillepoix a nommé une des régions de son monde Arcadie. Encore une fois, nous nous rencontrons, puisque j’utilise ce terme pour désigner… un monde entier. Nous ne brillons ni l’une ni l’autre par notre innovation, ceci dit : ce nom est utilisé dans de très nombreuses œuvres (The Walking Dead, Donjons & Dragons…).
Et pour cause : si l’Arcadie, dans l’Antiquité, n’est qu’une région de Grèce comme une autre (toutes proportions gardées), la Renaissance la rend idyllique dans son mouvement d’exaltation de la vie pastorale. Depuis, ce nom est associé à l’utopie d’une terre harmonieuse, où il fait bon vivre.
Là où j’apprécie le choix d’Éléonore Devillepoix, c’est qu’elle associe la cohérence « historique » (tous ses noms sont tirés de l’Antiquité grecque) et l’ironie… puisque son Arcadie, comme la mienne, ne correspondent pas tout à fait à l’utopie rêvée par les autricǝs de la Renaissance.
Des semaines de dix ou douze jours…
Dernier point : la cosmogonie de La Ville sans Vent me séduit parce que rien n’est laissé au hasard. Même la durée des semaines ! Elles sont de dix jours : or, comme « semaine » vient de « septimus », qui signifie « sept », l’autrice a pris soin de les renommer en « décades »…
Ce choix m’a interpellée, car je n’avais pas même réfléchi à ce détail, pourtant logique et important. Or, mes « semaines » comptent douze jours… on était loin du compte ! Si tu me suis sur Facebook, tu as sans doute vu passer mon petit sondage, car j’hésitais entre plusieurs versions : dodécade, dodèque, dodaine, douzaine, dodécime (merci pour la proposition, Anna !)…
En fin de compte, je me suis décidée pour dodèque, même si mon cœur a balancé avec dodécime pendant assez longtemps !
Je ne pensais pas m’étaler autant sur La Ville sans Vent ! J’espère en tous cas t’avoir donné envie de lire ce diptyque – et m’étendrai sur mes lectures de l’été lors d’une édition suivante de ce format.