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Il a neigé cette nuit.
Je me suis levée, et mon jardin était tout blanc.
J’ai promené ma chienne, Gally. J’adore les journées comme celle-ci. Tout est recouvert de cette couverture immaculée. Mes bottes crissent dans la neige, à la texture et à la densité si particulières. Le chien court loin devant, et tout est si blanc que je dois porter mes lunettes de soleil pour ne pas être éblouie, alors que la couverture nuageuse est si opaque, si épaisse, que le disque solaire semble une pâle pleine lune.
Ce n’est pourtant pas de météo que je veux parler aujourd’hui, mais de mes dernières lectures : une heptalogie jeunesse et une bande dessinée adulte.
Septimus Heap d’Angie Sage
J’avais découvert cette série lorsque j’étais jeune ado – et j’ai tout de suite accroché. Notamment parce que l’autrice utilise du début à la fin une forte symbolique des nombres, et en particulier du chiffre 7.
Le héros de cette saga, Septimus, est le septième fils d’un septième fils, ce qui dans ce monde magique lui confère une puissante affinité avec la magie. On évite toutefois le fameux trope de “l’Elu”.
Je ne saurais résumer les sept tomes en quelques lignes. Je peux cependant lister ce que j’adore dans cette saga :
la tendresse de l’autrice pour ses personnages. On la sent du début à la fin, et elle rend chacun des protagonistes plus attachants les uns que les autres – même les antagonistes. Iels sont pour la plupart des enfants et des adolescentǝs, aux émois réalistes et aux déboires touchants. L’un des personnages bénéficie d’un joli redemption arc, un type d’arc narratif où le personnage revient de ses mauvaises actions, s’aperçoit du mal qu’il a causé, et tente de s’amender.
les personnages en eux-mêmes : le héros, Septimus, est un garçon – puis un adolescent – intelligent, vif, curieux. J’adore tout particulièrement Jenna, née le même jour que Septimus, au caractère bien trempé, déterminée, observatrice et rusée. La cheffe des mages, Marcia Overstrand, est à vrai dire mon personnage préféré, avec son style vestimentaire bien particulier, son entêtement, sa puissance brute et ses vastes connaissances – et une surprenante bienveillance, cachée sous le vernis violet. Mais tant d’autres personnages, tant féminins que masculins, se sont fait une place dans mon cœur que je ne pourrais pas toustes les citer !
la cosmogonie et la construction du monde : elles sont riches, documentées. J’adore le soin porté à chacun des détails – et surtout le foreshadowing : Angie Sage évoque certains sujets, certaines spécificités dès le premier tome… pour ne les exploiter que de nombreux tomes plus tard. C’est vraiment le type de construction que j’aime intégrer dans mon écriture et je m’incline devant le brio et la maestria de l’autrice.
Mention spéciale aux djinns de cet univers, qui sont à l’origine des humains et humaines ayant choisi de transcender leur nature. À chaque fois qu’iels s’incarnent, iels arborent une nouvelle apparence, et changent ainsi de genre – et même un peu de caractère.
Les illustrations de Mark Zug (couvertures et entêtes de chapitres) sont magnifiques et participent à l’immersion dans le roman.
Bref, que tu apprécies la littérature jeunesse ou que tu aies dans ton entourage des enfants de 9 ans ou plus, c’est une lecture que je recommande chaudement !
Un seul élément m’a dérangée : pour qu’une femme intègre une assemblée de sorcières, il faut qu’elle embrasse toutes les sorcières de ce groupe. Or, lorsque ce rite est évoqué par deux des personnages, il est décrit comme « dégoûtant ». Je viens donc de consulter quelques pages sur Angie Sage et/ou où elle répond aux questions des lecteurices… et je suis rassurée.
Aux questions de lecteurices qui demandent si Marcia est peut-être autiste ou trans, elle répond qu’elle comprend d’où vient la question sur l’autisme et ne l’exclut pas, bien qu’elle n’ait pas construit le personnage comme tel. Sur la transidentité, elle dit que Marcia est à ses yeux une femme cis mais que si le lecteur ou la lectrice préfère la voir comme trans, elle ne s’y oppose pas du tout, car l’interprétation est « dans l’œil du lecteur ». Elle ajoute cependant qu’elle considère un des autres personnages principaux comme un meilleur « candidat » à la transidentité, et précise même qu’elle y a pensé pendant qu’elle l’écrivait… De même, elle confirme l’existence d’un couple gay.
Bon, hélas, rien n’est dit en toutes lettres dans le texte – c’est encore souvent le cas dans la littérature jeunesse – mais après avoir lu ses réponses, je vois une ouverture d’esprit qui n’a rien à voir avec celle de l’autrice d’une autre heptalogie jeunesse plus connue.
Peau d’homme d’Hubert et Zanzim
J’ai reçu cette BD pour Hanoukka – et ce fut une découverte ! Je dois dire que j’ai été très surprise par l’histoire ; je ne sais pas pourquoi, je pensais qu’elle partirait dans une direction différente…
Sans doute ai-je été influencée par le titre, qui me laissait penser à une narration plus merveilleuse, dans la lignée du conte Peau d’Âne… Ou alors est-ce la quatrième de couverture qui m’a « induite en erreur » :
Les femmes de notre famille, nous avons un secret, nous avons en notre possession une peau d’homme. Nous l’appelons Lorenzo. Une fois la peau revêtue, nul ne put se douter que tu n’es pas un garçon. Ainsi tu pourras voyager incognito dans le monde des hommes.
En effet, je ne m’attendais pas à l’histoire que j’ai lue : Bianca, jeune fille de bonne famille en Italie de la Renaissance, est promise à Giovanni, riche marchand au goût de ses parents. Elle est réticente à l’épouser sans le connaître ; c’est alors qu’elle obtient la fameuse peau d’homme et devient le beau Lorenzo…
C’est là que j’ai été surprise, en fin de compte : elle se sert de cette peau pour se rapprocher de son fiancé, et développe une relation avec lui, alors que j’aurais pensé que, comme sa tante (ou marraine ?), elle en profiterait pour « briser les cœurs de demoiselles » (je cite de mémoire).
Le récit, en fin de compte, est celui de sa relation avec Giovanni, en tant que Bianca (amicale) et en tant que Lorenzo (amoureuse), et de sa découverte ou prise de conscience des inégalités dans le traitement des hommes et des femmes. Le sexe est présent à toutes les pages ou presque, de façon plus ou moins subtile, et séduit par la douceur du dessin.
L’évolution des personnages et de leurs relations est belle, poétique, humaine. J’ai souvent eu les larmes aux yeux lors de la lecture !