✈️ Voici la première moitié d’une fiche destinée aux autistes pour vous aider à préparer vos voyages avec un maximum de confort et un minimum de stress. ✨
Aujourd’hui : tout ce qu’il faut penser avant de partir !
1. Choix de la destination et du cadre : où ? quand ? comment ?
2. Structurer sans surcharger : planning, budget & administratif
3. Adapter les conditions du séjour : aspect sensoriel, comparses de voyage & moments de calme
Temps de lecture : 10 minutes
Vous avez été une dizaine à manifester votre intérêt pour une petite fiche de voyage adaptée aux besoins autistiques. Évidemment, dès lors que j’ai commencé à y réfléchir, je me suis aperçuə que c’était bien plus complexe que je l’anticipais, car il me serait impossible de proposer une fiche qui corresponde à tout le monde – loin de là.
Le caveat est donc le suivant, comme d’ordinaire : il y a peu de chances que cette fiche fonctionne telle quelle pour vous, mais si elle peut vous aider à prévoir quelques détails auxquels vous n’aviez pas pensé, tant mieux !
J’adore voyager et je crois que (en apparence) paradoxalement un certain nombre de personnes autistes apprécient le dépaysement.
Le paradoxe n’en est pas un : on peut préférer la routine et un environnement contrôlé, mais le décalage de culture est attendu et normal quand on est à l’étranger (ce qui compense en partie les différences de communication), les découvertes induites peuvent faire part d’un intérêt spécifique (genre l’architecture, les plantes, la nourriture, les langues, les religions et mythologies…) – et dans les profils autistes + TDAH, ça satisfait le besoin de nouveauté !
Cependant, ces déplacements comportent leur lot de difficultés : l’administratif, le transport, la météo, les imprévus, la nourriture, les déclencheurs sensoriels (température, bruits…), la communication avec le groupe de co-voyageusəs le cas échéant, le rythme… Bref, beaucoup de paramètres à prendre en compte !
C’est pour aider à préparer stratégiquement le voyage que j’ai rédigé ce guide, pour que vous profitiez des vos vacances autant que possible.
Et, bien entendu, si vous avez des questions ou des suggestions, n’hésitez pas à les partager !
I. AVANT
Quand je repense à mon premier voyage seulə, au Japon, à 18 ans, je me souviens que j’ai passé des semaines en hyperfocus à éplucher tous les sites disponibles pour avoir les meilleurs itinéraires, savoir à quoi m’attendre, obtenir les meilleurs tarifs, relever les « incontournables » et les lieux que je voulais absolument voir, le tout 6 à 8 mois avant le voyage en question (notamment pour avoir des billets d’avion moins chers).
J’apportais tellement d’importance à l’organisation d’un voyage que j’ai fini par faire un M2 de Tourisme, pensant que c’était toute cette branche qui m’intéressant… alors qu’en fin de compte, c’était surtout une conjonction entre le besoin de contrôle autistique, mon intérêt spécifique pour le Japon, ma curiosité ethnologique et mes appétences organisationnelles.
Cependant, voici ce que j’ai retenu de la partie pré-voyage !
1. Choix de la destination et du cadre
A. Où ?
Si vous avez toujours voulu aller à un endroit, c’est là qu’il faut aller. D’une part, pourquoi aller autre part ? Et de deux, si c’est votre destination rêvée, vous aurez encore plus de raisons de respecter vos besoins afin de mieux en profiter.
Dans l’ensemble, je recommande de privilégier des destinations où l’on peut facilement alterner les stimulations : il vaut mieux éviter un séjour entièrement citadin (surtout les grandes métropoles) et se préparer quelques nuits dans un cadre plus bucolique, pour respirer.
B. Quand ?
Peu importe la destination, il faut vérifier quelle sera la météo – et choisir les saisons les plus agréables sensoriellement (par exemple, éviter la saison des pluies dans les pays concernés). On trouve très facilement ce genre d’informations aujourd’hui, tout simplement en cherchant « quand partir à [nom du pays] » dans votre moteur de recherche.
Pour autant, saison agréable signifie souvent saison haute et donc abondance de touristes, ce qui peut être particulièrement fatiguant. Si c’est possible, je recommande d’éviter les périodes de vacances scolaires et de privilégier le tout début ou la toute fin de saison. Si les contraintes météorologiques hors saison ne vous dérangent pas (par exemple, il fait « juste » froid), profitez-en, car vous éviterez ainsi les bains de foule.
C. Comment ?
Il peut également être intéressant de se renseigner sur les particularités culturelles : par exemple, au Japon il faut faire du bruit quand on aspire ses ramen (nouilles en bouillon), en Chine on crache par terre… Dans certains pays, le contact physique est bien plus courant que la bise française, tandis que dans d’autres, pas du tout. Certains lieux sont toujours bruyants ou avec de la musique réglée très fort, ou bien on se colle dans les transports en commun… Savoir à quoi s’attendre permet d’anticiper en termes de sensorialités (misophonie, germaphobie, sensibilités tactiles ou auditives…).
On peut aujourd’hui s’organiser des vacances assez facilement en réservant tout soi-même, même dans des destinations qui s’ouvrent tout juste. Cependant, devoir tout planifier et réserver soi-même peut générer une grosse pression… ce qui est un peu contre-indiqué quand le but est de se détendre !
Contacter des agences locales pour des circuits sur mesure peut soulager. Vous n’avez pas besoin de réserver toutes les activités avec l’agence, mais par exemple juste le squelette (billets d’avion, transports sur place, hébergements). Sinon, vous pouvez vous inspirer des itinéraires proposés et faire de votre côté, mais réserver avec une agence locale a l’avantage que si vous avez le moindre souci sur place, il y a une ligne d’aide à contacter à tout moment.
2. Structurer sans surcharger
A. Le planning
Ce sont des vacances. Le but est de se détendre, de découvrir, de s’amuser, de profiter, de se reposer.
Ce ne sera pas possible si vous vous prévoyez des journées de 8h à 20h. Après, bien entendu, tout dépend de votre énergie – je sais pour ma part que j’ai une petite résistance.
Ce sera aussi plus compliqué si vous ne prévoyez rien et que vous vous dites « on verra sur place ! ». Même en vacances la paralysie décisionnelle peut montrer son museau – et alors c’est encore plus frustrant de se dire qu’on n’a finalement rien fait de cette journée parce qu’on n’a pas été foutu de se décider ou de se mettre d’accord.
Il vaut mieux prévoir des activités en amont du voyage, en prenant en compte la fatigabilité générée (une traversée en bateau va moins vous en demander qu’une visite de musée ou qu’un trekking) afin de ne pas prévoir des journées trop chargées d’affilée.
Cela permet aussi de réserver les activités pour lesquelles c’est nécessaire (comme la cérémonie du thé ou le bain des éléphants), de savoir aussi combien de temps environ y consacrer et d’anticiper aussi des créneaux de récupération chaque jour.
Anticiper également des journées tampon, sans activité prévue, permettra de se reposer si nécessaire ou de découvrir une expérience dont vous n’avez entendu parler qu’en arrivant sur place (ça arrive toujours).
B. Le budget
N’oubliez pas que le budget prend en compte :
les transports pour aller à la destination (depuis votre porte d’entrée ; éventuellement avec du parking si vous devez laisser la voiture à la gare / l’aéroport),
les hébergements sur place,
les repas (restaurant ou préparés soi-même) et boissons,
les billets d’entrée des attractions touristiques,
les activités diverses,
la location de voiture ou vélo ou bien les transports en commun sur place,
les achats de souvenirs, cadeaux et autres dépenses sur place,
les extras et imprévus potentiels (une chaussure qui casse, un taxi si vous avez raté le dernier métro…)
le visa le cas échéant et le timbre fiscal pour le passeport si vous devez le demander/renouveler
une carte SIM du pays le cas échéant (vérifiez que votre téléphone est désimlocké avant).
Je ne peux pas ajouter grand-chose ici, si ce n’est : si vous devez acheter des devises, voyez si ça ne vous revient pas moins cher de les acheter dans un bureau de change avant le départ. À l’aéroport d’arrivée, c’est souvent assez cher (mais ça dépend des destinations).
C. L’administratif (😱😱😱)
Vérifiez que votre carte d’identité (suffisante pour tous les pays de l’espace Schengen) ou votre passeport sont encore valides (validité d’au moins 6 mois après la fin du voyage).
Commandez votre carte européenne d’assurance maladie (sur Ameli directement) si vous partez en Europe (c’est plus pratique en cas de problème de santé).
Votre carte bancaire a peut-être des assurances pour les voyages : vérifiez si c’est le cas sur le site de votre banque ou avec votre conseillèrə (on peut maintenant facilement les contacter par écrit). Si vous avez plusieurs cartes, privilégiez celle qui vous couvre le mieux.
Préparez un dossier papier avec les infos essentielles : billets divers, confirmations de réservation des hébergements et activités avec leur adresse & contact (également en alphabet de la destination si différent), photocopies de vos papiers. Ayez tout ça également en numérique accessible hors connexion sur votre smartphone.
Et le mieux du mieux, c’est d’avoir prévu un petit carnet voyage avec, jour par jour, les transports et/ou activités prévues, les repas inclus ou non, le nom de l’hébergement. Moi j’avais fait ça dans un petit carnet, avec une page par jour.
3. Adapter les conditions du séjour
A. Le sensoriel
Évidemment, anticiper au maximum les besoins sensoriels suppose de s’équiper :
Auditif : bouchons d’oreilles, réducteurs de bruit, casque anti-bruit, casque ou écouteurs avec option réduction de bruit active (pour les transports en journée ou des hébergements potentiellement bruyants de nuit)
Visuel : lunettes de soleil, lunettes de vue, bandeau ou masque à porter la nuit
Tactile : fidget toys, doudou et autres objets réconfortants à toucher, habits confortables adaptés au climat et à la météo, foulard/gilet, repose-tête (à capuche ?) ou petit coussin pour le transport
Gustatif : un stock de snacks rassurants qui tiennent bien les températures (pas de Snickers ou de Lion s’il fait +25° sur place ; et, en fonction de la rigidité de vos particularités alimentaires, de 2-3 pour le voyage à un par jour), votre gourde (si possible avec une bonne isolation thermique)
Olfactif : un pince-nez de natation (surtout si vous avez le nez sensible et que vous allez nager), des masques médicaux (de toute façon, il est toujours recommandé d’en porter en extérieur, peu importe le lieu et la destination), un objet avec une odeur réconfortante (doudou, stick à lèvres parfumé…)
Proprioceptif : je ne sais pas, honnêtement… je crois que les problèmes proprioceptifs sont pareils en tous pays…
Vestibulaire : essayer de prévoir les activités vertigineuses si vous êtes sujet au vertige (par exemple, pour rejoindre la vieille ville depuis notre hôtel à Luang Prabang, nous devions emprunter un pont très haut, relativement peu sécurisé, ce qui était impossible compte tenu du vertige des unəs et des autres, donc nous avons dû trouver un itinéraire de secours)
Intéroceptif : se préparer des checks réguliers (alarmes sur le téléphone, aide d’unə co-voyageusə…) pour vérifier qu’on a assez bu, mangé, qu’on n’a pas mal aux pieds ou autre part, qu’on a l’énergie de continuer…
Petit point spécifique sur la nourriture
Pour les repas : vérifier quels hébergements proposent le petit-déjeuner, si certains sont en demi-pension ou non. Ne pas hésiter à lister quelques restaurants ou supérettes à chaque étape (vous enregistrer les adresses dans des dossiers sur les applications de type Maps, et télécharger la carte du pays en hors connexion).
Si vous savez que décider des repas sur place sera fatiguant, autant les anticiper également, quitte à réserver les restaus en amont.
Préparez un mot en français, anglais et la langue de la destination indiquant vos régimes, intolérances alimentaires et allergies – soyez exhaustifve et précisə (n’oubliez pas aussi vos particularités gustatives ou en termes de textures le cas échéant). Si vous réservez par une application où il est possible d’ajouter un commentaire, n’hésitez pas à l’indiquer dès cette étape.
B. Avec qui ?
Il faut le dire : on ne peut pas voyager avec tout le monde. Parfois, on ne profite pas des vacances de la même façon que les personnes qui nous sont les plus proches et c’est ok. Il vaut mieux partir en vacances seulə que mal accompagnéə. Vraiment.
Donc si vous êtes du genre à explorer trois musées dans la journée, à raison de 2h minimum de visite par musée alors que votre partenaire est adepte du farniente au bord de la plage (non, mon amoureux, je ne parle pas de toi, je sais que tu es juste un speed-runner de musées, ce n’est pas la même chose), peut-être que vous risquez de vous gâcher vos vacances respectives à vouloir partir absolument ensemble.
Ou peut-être que vous pouvez trouver des compromis – auquel cas, il faut les anticiper également !
En tous cas, avant de partir en vacances avec quiconque, voyez si vos modes de dépaysement sont compatibles :
activités culturelles ou sportives ? adeptes de longues marches ou plutôt road-trip ? restaus traditionnels, street food ou sandwiches de la débrouille ? shopping ou pas ? chez l’habitant, location saisonnière, hôtel ? soirées dansantes ou nuits à la belle étoile ?
Combien d’heures « actives » par jour ? Combien d’heures en commun par jour ?
Est-ce qu’il est acceptable de se séparer pour faire chacunə des activités de son côté ou est-ce que c’est capital que tout le monde soit ensemble pour tout faire ?
Et ce n’est que la première étape ! Une fois qu’on sait avec qui on part, il est important de les informer de tout ce qui assurera les meilleures vacances pour tout le monde : expliquer qu’on aura besoin de moments de solitude, qu’il y ait un peu de routine (par exemple au lever et avant de se coucher), quelles sont vos limites sensorielles.
Également, il faudra expliquer les déclencheurs, signes précurseurs et manifestations d’un shutdown ou d’un meltdown (en fonction de ce qui vous arrive le plus souvent) et comment vous aider à les éviter (être attentifves aux déclencheurs sensoriels, poser des questions sur l’état mental ou physique de façon directe, proposer un truc à grignoter d’office…) ou les gérer si/quand les crises surviennent.
C. Le calme dans la tempête
Dans l’idéal, réserver des hébergements avec une chambre pour vous seulə ou avec votre partenaire, afin que vous puissiez vous isoler. Éviter les dortoirs ou chambres partagées / lit dans le salon.
Pendant nos séjours au Japon et au Laos avec mon amoureux et mes beaux-parents, je m’isolais dans notre chambre double tous les soirs une heure ou deux avant ou après le repas, pendant qu’iels se retrouvaient toustes les trois. C’était un moment précieux pour m’ancrer, me recentrer et récupérer un peu.
N’hésitez pas aussi à repérer tous les parcs, espaces verts et bibliothèques à proximité de vos activités et hébergements, pour avoir un refuge de calme en extérieur ou intérieur.
Ne pas oublier ses médicaments habituels + médicaments de secours / d’urgence.
Voilà pour les préparatifs ! La semaine prochaine, la fiche continue et aborde les éléments à prendre en compte sur place et au retour du voyage.