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Entrons aujourd’hui dans une nouvelle phase de nomination, qui concerne davantage les littératures de l’imaginaire : fantasy, fantastique, science-fiction…
On va parler toponymie, odonymie, éponymie, hagiotoponymie, hydronymie ou encore oronymie.
Allez, je sais, ce n’est pas clair. Je t’explique : je vais poursuivre mon étude des noms !
On passe désormais des noms des personnages aux… autres noms. Ceux des lieux (toponymie), des rues (odonymie), des choses nommées d’après un personnage (éponymie), d’endroits nommés d’après un culte (hagiotoponymie), des cours d’eau et autres milieux aqueux (hydronymie) ou encore des montagnes et autres milieux sommitaux (oronymie)…
Eh oui, lorsque l’on crée tout un monde, il faut aussi lui créer sa nomenclature lexicale ! On peut s’y prendre de diverses façons, et c’est de celles-ci dont je veux parler.
La toponymie en miroir de la réalité
Dans notre monde, de nombreux noms de lieux sont des évolutions de descriptions géographiques ou naturelles qui se sont transformés pour devenir des noms à part entière.
Nombre de toponymes des sociétés anciennes répondent aux caractéristiques géographiques ou naturelles de l'endroit, comme dans le cas […] d'Ostie, du latin Ostia « embouchure d'un fleuve », ou encore de l'Islande (Ísland, « terre de glace »). Mais on trouve également des références au sacré, comme dans le cas de Babylone (de l'akkadien babil, Porte de Dieu), parfois elles-mêmes en lien avec la géographie du lieu, comme dans le cas de Cuzco (du quechua qusqu wanka, le rocher du hibou).
D’ailleurs, il semblerait que ce sont les rivières et les montagnes qui aient été nommées en premier.
Souvent, l’évolution des noms est à l’origine de toponymies pléonastiques : ainsi, Ventoux signifie à l’origine « montagne », et pourtant on l’appelle bien « mont Ventoux ». Quelques autres exemples :
Anse du Vicq, « anse de l'anse » (français & vieux normand)
la forêt de la Londe, « forêt de la forêt » (français & vieux normand)
le lac Tchad, « lac lac » (français & kanouri)
(Oui, on retrouve le fameux pléonasme de Maître Shifu, qui signifie « maître maître » ou de l’équipe sportive The Los Angeles Angels, qui signifie… « les les anges anges ».)
De la même façon que l’évolution des langues provoque des redondances dans les toponymies, elle peut être à l’origine de dénaturations. On perd alors le sens originel du toponyme :
Camarade (Moulon, Gironde) : déformation de Cambrade, c'est-à-dire « chènevière », « endroit où pousse du chanvre ».
les Deux Sœurs : altération de les deux sours « les deux sources » en ancien français.
l’Homme, et ses variantes (la plus célèbre : l'Homme mort, les deux hommes, etc.) : de ulmus, « orme » (donc l'orme mort, etc.).
S’inspirer du réel pour inventer sa toponymie
Il y a donc de quoi s’amuser lors de la création des noms de lieux, et laisser parler son imagination… d’autant plus, si comme Tolkien, on a décidé d’inventer une ou plusieurs langues : Minas Tirith, Minas Morgul ou Minas Ithil démontrent par exemple une cohérence étymologique.
(Si tu ne te sens pas capable d’inventer une langue entière mais que tu en ressens le besoin, pas de panique, j’ai une solution, que j’évoquerai dans un futur mail !)
Sinon, comme George R. R. Martin, tu peux décrire les lieux par les spécificités géographiques, naturelles, visuelles, etc : Highgarden (Hautjardin), Winterfell (l’endroit où tomba l’hiver), The Fingers (les doigts, en rapport avec la forme de la côte qui fait penser à des doigts)…
Pour ma part, j’ai mêlé plusieurs approches dans Sublimes : on a un plateau sobrement nommé « Plateau » où se situe une « Île-Citadelle », mais il existe également une cité nommée « Cendrive » (rive de cendres) ou encore le Volcan « Escrée ». Ce dernier nom vient d’« Aïz-Kraï », un nom dans une langue morte au moment de l’intrigue – et qui a une signification bien précise… dont personne ne se souvient !
Comme pour les noms de personnages, les sonorités et orthographes des toponymes peuvent également permettre aux lecteurices de mieux se figurer le climat ou la culture des habitants du lieux : un lac nommé « Akkannë » est par exemple censé rappeler les dénominations scandinaves.
L’Histoire permet aussi de justifier les toponymes : cette plaine porte le nom de la bataille la plus sanglante du dernier millénaire, cette ville a perdu son nom initial après une invasion ennemie, cette route porte le nom de cielle qui l’a fait construire, ce bâtiment porte le nom du jour de son érection…
Tout est possible, tant qu’on associe cohérence et logique cosmogonique… Et c’est ce type de petits détails qui pour moi donnent davantage de cohérence, de véracité, d’authenticité au monde créé !
Anecdote de dénomination pleonastique... Vers mon 3eme cours d'espagnol au collège, j'ai réalisé que Tio n'était pas le prénom de mon "tonton Tio"...
Il est prévu pour quand ce mail sur l'invention des langues ?? Je suis très allechée !
Et je sens que l'air de rien tu as lâché un gros indice avec le nom de ton volcan, là !