Temps de lecture : 3 minutes
J’ai déjà évoqué la newsletter de Cécile Duquenne, axée sur l’écriture. Elle évoque ses techniques, ses difficultés, ses conseils et propose des masterclass et formations en ligne (payantes).
Elle a ainsi plusieurs fois évoqué l’un de ses outils narratologiques favoris, la grille des rancunes :
« Ce tableau croisé récapitule qui en veut à qui et pourquoi : ça vous permet de voir sur quelle ficelle vous pouvez tirer, à quel moment, pourquoi, dans quelle direction…
C’est super utile et ça peut vous accompagner du début à la fin de votre roman, de l'idée aux futures corrections en passant par le premier jet ! »
Pour ma part, plutôt qu’une grille, j’avais fait une carte mentale (qui, contrairement à son nom, se fait sur papier ou sur ordinateur, y a mêmes des logiciels dédiés), avec des flèches de couleurs différentes en fonction des relations pour connecter tous les personnages, car je n’avais pas eu l’idée du tableau croisé… et qu’avec un roman choral comme Sublimes j’ai beaucoup de personnages et le tableau eût été… conséquent.
En revanche, cette grille des rancunes m’a inspirée et aidée dans une phase de blocage.
Elle a donné naissance à la grille des savoirs.
Car, encore une fois, avec des dizaines de personnages narrateurs, il est capital de se souvenir de qui sait quoi, de qui apprend quoi à quel moment… et de quelles en sont les conséquences !
Tout ça, pour conserver une cohérence et éviter les « plot holes », les incohérences scénaristiques qui sont la plus grande crainte de toutə scénariste.
Pour autant, je n’ai pas intégré tous les personnages de Sublimes dans cette grille… tout simplement parce que la plupart des personnages ne savent « rien » ou pas grand-chose. Surtout, la plupart des personnages subissent les événements et les savoirs de cielles qui manient les ficelles.
(Et puis vous imaginez la taille du tableau ? Rien que dans le premier tome de Sublimes, j’ai près d’une vingtaine de personnages narrateurs… sans parler des personnages non-narrateurs. 😱)
Non, j’ai intégré un nombre très restreint de personnages dans ma grille des savoirs : iels sont au nombre de quatre et je les appelle les « big players » (« grandəs joueusəs »). Ce sont les personnages qui ont tellement de pouvoir, de connaissances ou d’influence que chacune de leurs actions déclenche un effet domino, que subissent tous les autres personnages, directement ou indirectement.
Or, si je veux pouvoir déterminer lequel des big players lance quel élément d’intrigue… j’ai besoin de savoir ce qu’iel sait, ce qu’iel en fait, quand iel l’apprend…
Bref, dans un monde à la cosmogonie aussi complexe que celui de Sublimes, j’ai besoin d’avoir une grille propre et à laquelle je peux me référer facilement.
C’est pourquoi, je me suis à mon tour posée sur une « grille des savoirs », dans laquelle j’ai donc noté :
ce que sait le personnage au début de la trilogie
ce que le personnage ne sait pas au début de la trilogie
ce qu’il apprend
quand il l’apprend
sa réaction et ses actions en apprenant chaque nouvel élément.
Cela m’a permis d’avoir en un seul coup d’œil ce que A sait mais pas B, et vice-versa, ce qu’iels se cachent réciproquement. Et, plus complexe encore, ce qu’iels font semblant de ne pas savoir… et si les autres personnages savent que les autres savent mais dissimulent.
Ça y est, votre cerveau est autant en surchauffe que le mien ?
Hélas, pour d’évidentes raisons de divulgâchis, je ne peux pas vous montrer…
Ah, attendez, si.
Avec une subtile censure des noms et des informations… Je peux vous montrer une grille des savoirs… qui va juste vous paumer plus qu’autre chose.
(Et éventuellement vous donner envie d’en savoir davantage.)
Bon, évidemment, là, je me suis contentée d’une ou deux phrases par cases, mais vous vous en doutez, il s’agit plutôt de pavés dans le vrai tableau.
Vu comment cette grille des savoirs m’a débloqué plusieurs éléments d’intrigue du tome 2, je suis à deux doigts de me faire une grille des rancunes aussi. Il faut dire aussi que j’aime bien les représentations visuelles, elles me permettent de hiérarchiser les informations, ce qui est une tâche éminemment difficile pour moi.
Et après, c’est le moment du grand puzzle, où on rassemble la cosmogonie, les grilles des rancunes et des savoirs, les moteurs des personnages… et on essaie d’en faire un roman.
Comme quoi, l’écriture c’est beaucoup d’idées, certes, mais encore plus de compétences de bricolage.
Je comprends mieux pourquoi je frétille toujours quand on reçoit un nouveau meuble Ikea !