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Avez-vous déjà vécu ce moment très étrange ?
Quand on connaît un mot depuis longtemps, son sens, son utilisation, qu’on ne se pose pas de questions dessus, et puis que tout à coup, son étymologie apparaît sous un nouveau jour et qu’on se dit : mais bien sûr ! Comment n’ai-je pas pu le voir plus tôt ? Et pourtant, je le savais, d’une façon ou d’une autre, sans l’avoir énoncé !
Cette situation s’applique de plusieurs façons à ce mail.
Ma première thérapie date d’il y a environ 7 ans, avec une kinésithérapeute spécialisée entre le lien corps/esprit (à Paris). C’était mon premier pied timide dans l’eau de la thérapie psy.
Puis, après notre déménagement à Caen, j’ai commencé un nouveau suivi avec une excellente psychologue spécialisée dans le trauma et le deuil.
Fraîchement arrivée dans les Alpes-de-Haute-Provence, j’ai débuté une thérapie avec une nouvelle psychologue, pour travailler sur mon anxiété sociale. (Pour être parfaitement honnête, c’est avec elle que j’ai découvert que je souffrais d’un Trouble Anxieux Généralisé.)
Enfin, dans la foulée de mon diagnostic d’autisme, j’ai poursuivi mes échanges avec la psychologue spécialisée dans le TSA (Trouble du Spectre Autistique) qui m’avait accompagnée pour les démarches, et j’ai entrepris une TCC (Thérapie Cognitivo-Comportementale).
Je ne suis pas timide quand il s’agit de parler de thérapie, ni de parler avec mes thérapeutes.
D’ailleurs, pendant longtemps, j’annonçais l’ensemble de mes traumatismes dans les cinq premières minutes qui suivaient ma rencontre avec une nouvelle personne, peu importe le cadre.
(Oui, ça posait l’ambiance.)
Je m’intéresse de très près à la santé mentale, à la psychologie en général, aux neuroatypies… Oui, c’est assez littéralement l’un de mes IS (Intérêts Spécifiques). Et tous mes suivis ont été (ou sont encore) enrichissants.
Mais il faut que je vous avoue que je me suis sentie bête, l’autre jour, quand j’ai compris quelque chose de fondamental – et que je savais pourtant déjà !
Que la thérapie ne guérissait pas.
Du moins pas de la façon que je persistais à désirer.
Une part de moi pensait que la thérapie était un Ctrl+Z, que ça me permettrait un jour d’annuler, d’effacer ce qui m’a fait mal. De faire disparaître mes traumas. D’être guérie d’eux, qu’ils n’apparaissent plus jamais dans ma psyché.
Si je m’appliquais assez à la thérapie, je parviendrais à me guérir de mes traumatismes. D’en faire table rase.
Je comprends pourquoi j’ai pu penser ça : parce que je le souhaitais, que je voulais oublier, que je voulais que ça ne fasse plus partie de moi.
Autant dire que j’ai eu un peu de mal à accuser le coup, quand j’ai compris que c’était impossible. Que la thérapie ne guérissait pas, pas dans ce sens-là du moins.
Elle n’efface pas, elle ne fait pas disparaître les cicatrices. Elle m’apprend à les regarder sans me déliter à leur spectacle. Elle me donne le moyen de les connaître et de ne plus me laisser bouffer par elles. Elle m’apprend à trouver des mécanismes d’adaptation sains.
Bien entendu, dans le cas d'une neuroatypie génétique, comme l’autisme, il n'y a rien à guérir. Si on me proposait une pilule pour ne plus être autiste, je ne la prendrais pas.
L’autre pendant, celui du vécu douloureux, restait pour moi une partie que je pouvais nettoyer. Pendant longtemps, j'ai vraiment cru que la thérapie ferait disparaître mes traumas, qu'elle était un exercice, une épreuve, et que si je m'appliquais assez, comme la bonne élève que je suis, je pourrais enfin être « normale » et « équilibrée », au moins sur ces points-là, ceux qui viennent de mon expérience – par opposition à ceux qui sont inscrits dans mon ADN.
C’est faux, je le vois maintenant.
La thérapie ne guérit pas. La thérapie n'est pas un exercice qu'on peut réussir ou rater.
La thérapie est un apprentissage.
La thérapie est une énonciation – et comme je le disais en introduction de ce mail, elle permet souvent d’énoncer des choses qu’on savait déjà, mais qui restent cachées et indistinctes tant qu’on ne pose pas des mots dessus.
La thérapie est là pour donner des outils. Des moyens d'affronter ses démons. Cesser de faire taire ces voix dans ma tête et de les enterrer bien profond, mais les écouter et entendre ce qu'elles ont à dire, et acquiescer.
Oui, puis-je maintenant répondre à ces voix. Oui, je ressens ça.
Et pendant très longtemps, j'ai refusé de ressentir ça. Parce que c'était mal de ressentir ça. Je posais un jugement de valeur, un jugement moral sur mes émotions.
Désormais, je sais, je comprends enfin que ressentir n'est pas agir. Que je peux avoir des émotions, n'importe quelle émotion.
Parce que si je les accepte et que je les ressens, vraiment, sans me juger, je peux aussi les extérioriser de façon saine, au lieu de les intérioriser et de laisser leur décomposition nourrir mon dégoût de moi-même.
La thérapie n'est pas là pour me guérir. Elle est là pour m'apprendre que je n'ai pas besoin d'être guérie.
Pfiou... c'est super fort ce que tu as écrit là !
Est-ce que ça aurait du sens que les psy expliquent ça au lieu de "laisser le doute" ?
Emma, cet article résonne tellement en moi que j’en suis ému aux larmes. Merci ❤️