Le Prix de la Nouvelle Érotique
Vous vous souvenez peut-être du récit de ma participation au Prix de la Nouvelle Erotique, ce concours pour lequel on a 8h, pendant la nuit la plus courte de l’année, pour concocter une nouvelle érotique sur un thème et avec un mot final imposés :
La semaine dernière, la liste des 25 finalistes sur les 200 participants et des poussières a été annoncée. La triste nouvelle, c’est que je n’en fais pas partie. La bonne nouvelle, c’est que du coup, je peux vous faire lire ma nouvelle !
Pour rappel, le thème était : « avis de pas sage » et le mot final imposé, « bâton ».
Bonne lecture !
PS : il s’agit d’une nouvelle érotique, donc il y aura des éléments sexuels (et de BDSM) !
Sur le pas de la porte
— Je t’écoute ?
— Pas de récompense pour celles qui ne sont pas sages.
***
Avec fébrilité, Alba inséra la clé dans sa boîte aux lettres, l’ouvrit et jeta sa main dans la béance. Hélas, au lieu du paquet qu’elle espérait, elle ne trouva qu’un feuillet, qu’elle lut par acquit de conscience :
Avis de passage – En raison de votre absence, le 15/12/2021 à 18h05, notre livreur n’a pu vous remettre votre colis en main propre. Une nouvelle tentative de livraison aura lieu le 16/12/2021.
La déception s’empara d’Alba. D’un pas lourd, elle rejoignit la chaleur de son salon. Encore un livreur qui n’avait pas même pris la peine de sonner : elle n’avait pas bougé de son domicile ! Et elle attendait cette livraison depuis si longtemps, avec tant d’impatience ! Depuis qu’elle avait déniché cette perle rare – un jeu de tarot vieux de plusieurs siècles, ayant appartenu à la Strega Vivana, une puissante sorcière italienne –, elle y pensait nuit et jour… afin d’éviter à d’autres idées de la tarauder.
— Accueillons aujourd’hui Fortuné Givaudan, maître de conférences en philosophie et sociologie, afin d’évoquer le dernier best-seller de notre Alba White nationale, La vie secrète des créatures de la nuit !
La jeune femme tourna la tête vers l’écran accusateur, la mâchoire crispée. Un vieux professeur de plus qui cracherait sur son ouvrage, sans aucun doute. Avec dégoût, elle contempla la pile de livres qu’elle devait encore dédicacer : après tout, elle comprenait ces « spécialistes ». Elle non plus n’était pas satisfaite du produit final – pour de toutes autres raisons que ces messieurs, cependant. À la demande de son éditrice, les passages les plus croustillants avaient été ôtés, tailladés, élagués. Ne restaient que de floues foutaises, tout juste bonnes à exciter des adolescentes impressionnables. Les innombrables heures de recherches d’Alba, éliminées parce que c’était « trop sévère, ça ne se vendra pas bien ».
Il ne restait en tout et pour tout qu’un seul passage emprunt de véracité dans le compendium – un seul.
— Ce livre ne se repose sur aucun socle scientifique, il ne s’agit que d’élucubrations d’une demoiselle qui a lu les ouvrages d’Anne Mice et de Stephenie Reyer trop de fois pour son propre bien…
Alba leva les yeux au plafond, saisit la télécommande et coupa le son. Voilà pourquoi elle ne voulait penser qu’à son jeu de tarot et non pas à son ouvrage.
***
— Tu as bien compris ce que tu dois faire pour mériter ta récompense ?
Je hoche la tête sans parvenir à répondre. Tous mes sens sont en émoi, je ne me fais pas confiance. Ses mains sur moi, en moi, qui malaxent ma chair, réveillent mon désir, appellent mon abandon…
Non, je ne veux pas céder…
***
La journée avait été longue. Ennuyeuse. Monotone. Alba fit craquer son poignet et contempla la pile de livres dédicacés. Sur la couverture, son portrait lui dédiait un sourire factice. Encore une idée merveilleuse de son éditrice : une photo d’elle, la jeune femme-enfant au visage rond, aux adorables fossettes, aux yeux de céleste innocence et aux boucles d’or, s’étalait sous le titre – plutôt que la représentation réaliste d’un lycanthrope, ce qui aurait été sa préférence.
Enfin… Elle appellerait son agente de presse le lendemain afin de l’avertir de la fin de son labeur et les exemplaires signés seraient envoyés à… à celles et ceux qui détenaient le moyen de redorer son blason. En attendant, la soirée s’offrait à elle, aussi inintéressante que le reste de la journée. Dans le vain espoir de se changer les idées, l’autrice s’assit à sa table de lecture, à côté de la grande fenêtre, et sortit son habituel jeu de tarot, corné par ses nombreuses utilisations.
Alba se décida pour un tirage rapide, retourna les cartes une à une, et se perdit dans leur interprétation. Sans surprise, la carte centrale, la carte du présent, affichait un beau Sept de Bâton, à l’endroit, symbolisant son état d’esprit actuel : difficultés rencontrées, nécessité de se battre. Parfois, l’occulte se dévoilait trop et perdait tout son mystère ! Au moins, elle n’avait pas tiré le Sept inversé : il aurait signifié sa reddition totale…
Agacée, la blonde leva la tête et se perdit dans la contemplation de son jardin – et de la rue, derrière la grille qui la protégeait de l’extérieur. Le givre sur l’herbe brillait à la lueur des guirlandes colorées. Seuls ces lumignons joyeux lui apportaient un peu de chaleur dans cette nuit hivernale.
C’est alors que la jeune femme repéra, devant le portail, une sombre silhouette, haute, longiligne, un peu courbée. Même depuis la sécurité de son salon, Alba frissonna, soudain tendue par la menace qui émanait de l’individu, pourtant à bonne distance. La personne esquissait une étrange danse : elle s’approcha du portail, pressa la sonnette – en panne depuis quelques jours – puis poussa le battant grillagé. Alba ne l’avait pas verrouillée et la vit s’ouvrir avec inquiétude… Mais l’autre ne la franchit pas, comme bloqué par un remords inattendu.
Enfin, l’étranger secoua la tête, se dirigea vers la boîte aux lettres, et glissa un feuillet dedans. Alba comprit enfin : il s’agissait de son livreur, celui qui devait lui remettre son jeu de tarot ! Elle se leva d’un bond, fila vers la porte, dévala l’allée, dépassa la grille… Trop tard. Il n’y avait plus trace du facteur – et de son précieux paquet.
Rageuse, Alba ouvrit la boîte aux lettres, en arracha l’avis de passage, le parcourut des yeux puis le froissa. C’était décidé : le lendemain, elle réparerait l’interphone !
***
Un filet de bave dégouline de mes lèvres. Mon postérieur hurle sa douleur, rougi par les claques. Je me mords la langue. Je refuse d’admettre son ascendant sur moi. Je me sens si vulnérable, si fragile – je devrais haïr cela. Oui, c’est certain : je déteste ce qui m’arrive. Si je consens, c’est à cause de la récompense promise…
Encore dois-je la mériter.
***
Au son de l’interphone, Alba jaillit de son canapé.
— Oui ?
— Bonsoir, j’ai un colis pour vous.
— Je vous ouvre !
— D’accord…
La grille se déverrouilla, mais la personne ne bougea pas.
— Qu’est-ce que vous faites ? C’est ouvert !
— Pourriez-vous venir sur le pas de la porte afin de récupérer le colis ?
Alba fronça les sourcils, mal à l’aise. Elle n’aimait pas cette demande. Que gagnerait le livreur à la faire sortir de chez elle ? Tout à coup, les mises en garde de son éditrice lui revinrent : avec le succès croissant de ses livres, elle gagnait en fans extrêmes… et en féroces adversaires. Avait-elle affaire à un stalkeur trop enthousiaste… ou trop énervé ? Ne risquait-elle pas une agression ou un enlèvement si elle obéissait ? Dans le doute, elle campa sur ses positions :
— Non, c’est à vous de me remettre mon paquet en main propre.
— En ce cas, je me vois contrainte de vous laisser un avis de passage. À demain.
Trop estomaquée pour répondre, Alba perdit de précieuses secondes de tergiversations. Lorsqu’enfin elle se décida à sortir, la livreuse avait à nouveau disparu, recouverte par le manteau d’obscurité.
***
— Alors ?
Je serre la mâchoire. Je refuse de l’appeler « maîtresse ». Jamais je ne m’y abaisserai, jamais je n’accepterai qu’elle me domine. Elle se penche sur moi, sa main caresse ma joue, s’arrête sur mes lèvres, les entrouvre du pouce… Déjà ses doigts remontent l’arête de ma mâchoire, descendent le long de mon cou, s’interrompent sur ma jugulaire…
— Tu n’es vraiment pas sage. Il suffirait d’un seul mot pour que je mette fin à tes souffrances…
Je demeure silencieuse, à l’inverse de mon cœur qui tambourine dans ma poitrine et m’assourdit de sa tarentelle endiablée.
— Très bien. À genoux.
Je m’exécute, effrayée par l’arme qu’elle tient dans son autre poigne. Elle se place derrière moi et je comprends trop tard qu’elle a troqué l’objet de mes craintes contre une corde. Avec des gestes rapides, elle lie mes mains dans mon dos. J’ai perdu.
***
L’épiphanie vint en fin de matinée, fulgurante et inattendue. D’abord, Alba la repoussa, intimidée par l’idée. Elle prenait sans aucun doute ses désirs pour des réalités. Pourtant, tout tendait à prouver son soupçon : l’étrange cha-cha-cha qu’avait dansé la factrice devant la grille, sa venue systématique après le coucher du soleil, sa demande incongrue… Plus Alba réfléchissait à leur dialogue, aux mots qu’elle avait prononcés, plus elle soupçonnait la véracité de sa déduction.
Afin de se convaincre totalement, elle attrapa son exemplaire de La vie secrète des créatures de la nuit et l’ouvrit à la page fatidique, la seule qui contenait une vérité sur l’objet de ses recherches :
Les créatures de la nuit se distinguent par leurs faiblesses : les lycanthropes craignent l’argent, les vampires les pieux, les fées l’acier… Une seule vulnérabilité les rassemble et nous protège, à condition de la connaître : malgré leur puissance, ces êtres sont incapables de pénétrer dans un lieu habité sans y être invités. Les avis des occultistes divergent sur certains points, mais se rassemblent sur deux d’entre eux : les noctambules ne peuvent pas demander à entrer, et la formule doit comporter le mot « inviter ».
L’autrice se repassa leur échange de la veille une énième fois en mémoire, pour parvenir à une conclusion identique : elle n’avait pas invité la livreuse à entrer, ce qui l’avait condamnée à demeurer sur le pas de la porte. L’excitation crût en elle : si Alba ne se trompait pas, elle avait l’occasion de capturer une véritable créature de la nuit – et ainsi de prouver au monde, et en particulier à ses détracteurs, qu’elle ne mentait pas. Quoi de mieux pour rétablir sa réputation ?
***
Je n’arrive pas à décrocher mon regard d’elle, à travers mon brouillard de larmes douloureuses. Elle est si belle, si puissante… Je l’ai sous-estimée, je le sais, et je ne parviens pas à m’en vouloir. J’ai envie qu’elle me consomme, qu’elle me pousse dans mes retranchements et m’arrache davantage de gémissements plaintifs… Qui eût cru que je découvrirais ainsi l’un de mes plus grands fantasmes ?
Sa peau glacée enflamme mon épiderme, son toucher m’est insupportable. Je sens vague sur vague de plaisir me tremper sans parvenir à m’inonder. Elle titille mes lèvres, effleure l’intérieur de mes cuisses, griffe mes seins, pince mes tétons. Je suis à deux doigts de jouir – et je n’y ai pas droit !
***
Lorsque chanta la sonnette, Alba était prête. Elle se précipita vers le haut-parleur, hors d’haleine.
— Oui ?
— Bonsoir, j’ai un colis pour vous.
La jeune femme prit une longue inspiration, presque prête à renoncer à son plan. Et si ses préparatifs ne servaient à rien ? Et si ses recherches l’avaient induite en erreur ? Elle se retrouverait à la merci d’une créature de la nuit – ou, pire, d’une vulgaire stalkeuse !
— Ah, j’espère que vous n’aller pas filer comme hier soir, badina-t-elle pour se donner du courage. J’aimerais bien récupérer mon paquet !
— Je comprends. Je vous attends sur le pas de la porte.
— Non, non, j’insiste, je vous invite à entrer… Il fait trop froid pour que je sorte !
Alba grimaça. Sa formulation laissait à désirer, elle brillait de facticité. L’être nocturne verrait-il à travers son jeu ? Le soupir de soulagement – de satisfaction ? – qu’elle entendit à travers l’interphone la rassura : la femme n’avait rien deviné.
Tandis que son cœur accélérait, emporté par une panique fiévreuse, la blonde se posta derrière la porte et l’entrouvrit. La livreuse la dépassait d’une tête. Elle ôta sa capuche lorsqu’elle franchit le pas de la porte, libérant une cascade de cheveux noirs. À la surprise d’Alba, elle n’arborait pas le teint blafard qu’on attribue aux noctambules, mais une carnation ambrée, qui contrastait avec la vivacité de ses prunelles rougeoyantes. Il se dégageait d’elle un parfum de danger sulfureux. Frémissante, l’autrice chassa ses derniers doutes : elle avait invité chez elle une créature de la nuit véritable, en chair et en os.
Et soudain, elle s’aperçut – trop tard – de son inconséquence. Que lui était-il passé par la tête ? Jamais elle ne sortirait vainqueresse, ni même vivante de cette rencontre !
***
— Tu es plus résistante que je ne l’aurais pensé, je te l’accorde.
Je frémis au son de sa voix. Je sens venir ma fin, privée de la vue, entravée, soumise à ses pulsions et ses désirs. Pourtant, je brûle de la satisfaire. Et je sais qu’elle savoure la vue de mon corps nu, de mes courbes, de ma peau marbrée par ses punitions. Je pousse un gémissement lorsqu’un objet dur pénètre mon intimité sans y être invité. C’est si bon que je suis à deux doigts de céder, de me donner à elle, de m’abandonner entre ses griffes…
— Alors ? Toujours pas ?
***
Sous le regard de braise de son invitée, Alba déballa le paquet. Elle l’avait oublié, dans la frénésie de ses préparatifs, ce jeu de tarot tant espéré. Enveloppées avec soin, les cartes se révélèrent à leur nouvelle détentrice, enluminées, fragiles et sublimes.
— Pour vous remercier de votre persévérance, lança-t-elle, puis-je vous proposer une lecture ?
L’autre acquiesça, une lueur maligne dans les pupilles. Alba la mena jusqu’à la table dédiée à la divination, offrit un siège à la créature et s’installa face à elle. Elle se sentait électrisée, à la fois si proche de son but et à la merci d’un monstre sanguinaire.
— Avez-vous une question spécifique ou souhaitez-vous une lecture générale ?
— Oh, des révélations sur mon futur immédiat m’intéresseraient bien…
— Vous vous attendez à quelque chose de spécifique ?
— Oui, ronronna-t-elle : à une satisfaction immense qui interviendra incessamment sous peu.
Alba déglutit, baissa les yeux et entreprit de battre les cartes. Ses mains tremblaient si fort qu’elle dut s’y prendre à plusieurs reprises, effarouchée par le sourire grandissant de son interlocutrice. Elle retourna la première carte pour révéler une des arcanes majeures : la Papesse – inversée.
— Le passé immédiat semble indiquer une dissimulation, quelque chose de caché ou de mal interprété.
— Je pensais pourtant avoir bien saisi votre invitation…
Alba ne doutait plus, désormais : la femme face à elle n’était pas dupe. Elle savait qu’Alba savait. Elle avait accepté l’invitation en connaissance de cause. Elle savourait le jeu, devenu traque immobile, en patiente prédatrice, prête à bondir sur sa proie et à la dévorer toute entière. Luttant contre son envie de fuir, la blonde tira une seconde carte et révéla le Dix d’Épée. Elle pâlit, avant de se souvenir que le tirage concernait son hôtesse.
— Selon cette carte, votre présent comporte une défaite, un échec, voire de la douleur.
— Certainement, confirma l’autre. Pas ma douleur, en revanche. La tienne !
Et elle tenta de se lever.
***
Que se passe-t-il ? Pourquoi ne parviens-je pas à me décoller de ma chaise ? Je lutte quelques secondes contre le bois et sens la panique s’emparer de moi lorsque je comprends. Un sceau d’emprisonnement a été tracé sous la sellette. Je suis captive.
L’humaine me regarde et, avec horreur, je vois se résorber l’effroi que je lui inspirais. Un rictus victorieux déforme son visage enfantin. Elle quitte son siège et s’approche de moi.
— Telle est prise qui croyait prendre, chantonne-t-elle.
Puis elle se met à… danser ?
— J’ai gagné, répète-t-elle comme un refrain. J’ai gagné ! J’ai capturé une créature de la nuit ! J’ai gagné !
Je gronde de fureur.
— Libère-moi, humaine, ou tu en paieras le prix !
— C’est si je te libère que j’en paierai le prix. Tu es très bien où tu es. Alors, quelle est ta nature ?
Elle m’abandonne, engluée sur cette chaise de malheur, puis revient quelques instants plus tard, les bras chargés d’objets divers et variés. Un à un, elle les essaie sur moi : lame en argent, eau bénite, clou en acier… Alors qu’elle empoigne son pieu acéré, je cède à la peur et retrousse la lippe afin de dévoiler mes canines.
— Contente ?
— Très ! confirme-t-elle avec enthousiasme. Les vampires font partie de mes monstres préférés…
Elle semble réfléchir puis s’entaille le doigt avec le poignard d’argent. L’odeur du sang emplit mes narines. Malgré moi, mes crocs réagissent et s’allongent de quelques centimètres. Ils dépassent désormais de ma bouche, révélant ma faim.
— Tu sais quoi ? J’ai changé d’avis, s’exclame-t-elle. Je ne vais pas t’exhiber comme preuve. Je veux te garder pour moi.
Je fronce les sourcils, l’esprit troublé par l’odeur entêtante de son hémoglobine.
— Tu n’as qu’un mot à dire si tu veux que j’arrête et que j’appelle la presse à la place : tarot. Mais si tu es sage et que tu m’appelles « maîtresse », je te… nourrirai.
***
Alba contempla son œuvre avec exultation. La créature, les yeux bandés, les mains liées, se donnait à elle. Elle résistait encore à l’humiliation suprême : admettre son infériorité. La capitulation s’approchait cependant à grands pas. À nouveau, la blonde s’assura que les chaînes enchantées ne cédaient pas, puis s’assit à califourchon sur la femme. De la langue, elle suivit les lignes des muscles apparents, puis, afin d’illustrer la fable de l’arroseur arrosé, mordit dans un téton. Un couinement échappa à la captive, ravivant l’appétit d’Alba.
— Imagine tout ce que tu obtiendrais si seulement tu m’appelais « maîtresse », susurra-t-elle.
Elle passa ses doigts autour de la bouche de sa victime, juste hors de portée de ses dents. Puis, elle comprima sa phalange blessée, qui pleura une larme vermeille. Celle-ci s’échappa de son index et s’écrasa sur la joue tendue, trop loin des lèvres de la vampire pour qu’elle ne la lèche.
— Tu aurais droit à mon sang… et à tant de plaisir ! promit-elle.
Elle se redressa, recula, et se repositionna pour que sa langue rencontre la chaleur des autres lèvres de la vampire. Elle s’étonnait encore qu’une noctambule, techniquement morte-vivante, ne fût aussi froide qu’un cadavre – et s’en réjouissait. Impossible pour autant de la confondre avec une humaine : son odeur camphrée, la texture presque métallique de sa peau, l’absence de battement de cœur trahissaient son appartenance au peuple nocturne.
Au contact de sa langue, l’invitée frémit et d’incohérents murmures lui échappèrent. Attentive, Alba dorlota sa fente, téta son clitoris, adjoignit ses doigts à l’effort – puis cessa au moment où elle perçut l’arrivée de l’orgasme. Alors, la créature, privée de sa jouissance une fois de trop, céda :
— Oh – oh, par pitié, maîtresse !
En quelques instants, la vampiresse fut redressée, délivrée du bandeau qui lui couvrait les yeux – mais pas de ses chaînes.
— C’est bien, tu vois que tu peux être sage ! la félicita Alba. Tu as mérité ta récompense.
La jeune femme repoussa sa toison d’or pour dévoiler la blancheur nacrée de son cou – et cogna un pied de la table dans sa hâte. Tandis que les canines transperçaient sa peau si fine, suscitant une jubilatoire douleur, la troisième carte du tirage, celle qu’Alba n’avait pas eu le temps de retourner, en profita pour glisser et virevolter vers le sol. L’autrice gloussa en reconnaissant l’arcane qui avait symbolisé le futur de la noctambule et prévu sa totale reddition.
Tête vers le bas, tombait le Sept de Bâton.