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Aujourd’hui, je vais te parler de relations entre enseignantǝs et élèves.
(Non, je n’évoquerai pas l’Éducation Nationale, ni Blanquer…)
Le sujet que j’aborde dans ce mail est commun dans l’écriture fantasy et science-fiction.
La plupart des ordres, confréries ou guildes, réelles comme fictives, s’appuient sur des systèmes d’apprentissage ; si on connaît la répartition « unǝ maîtressǝ pour plusieurs élèves », les duos tutricǝ / apprentiǝ se révèlent tout aussi fréquents.
Autant les narrations fantastiques que de science-fiction regorgent de telles paires ; d’ailleurs l’apprentissage groupé comme prérequis à l’apprentissage individuel se retrouve dans nombre de récits.
Cours collectifs ou individuels ?
On peut par exemple citer Star Wars, dont la cosmogonie abonde de détails très précis sur l’éducation des Jedi et des Sith, notamment dans le MMORPG (jeu vidéo de rôle en ligne massivement multijoueur) Star Wars: The Old Republic.
Du côté de l’Ordre Jedi, les enfants (Novices) débutent avec une sorte d’internat, que l’on pourrait comparer à un noviciat monacal, où les cours sont dispensés à des classes, avec unǝ Maîtresseǝ Jedi spécialiséǝ par matière.
Les Novices deviennent ensuite Padawans : unǝ Chevalièrǝ ou Maîtresseǝ Jedi prend sous son aile unǝ Padawan – et n’a d’ailleurs le droit d’en former qu’unǝ seulǝ – et læ garde à ses côtés comme élève et assistantǝ jusqu’à ce qu’iel devienne à son tour Chevalièrǝ. Anakin Skywalker fut ainsi le Padawan d’Obi-Wan Kenobi.
Dans cet exemple, on passe d’une éducation collective à une éducation individuelle.
D’autres œuvres font l’impasse sur la partie collective, par exemple chez les Marchombres de Pierre Bottero, dans ses séries La Quête d’Ewilan, Les Mondes d’Ewilan et surtout Le Pacte des Marchombres : les futurǝs marchombres s’inféodent à leur maîtresseǝ unique pendant trois ans. Afin de pouvoir prétendre devenir maîtressǝ marchombre à leur tour, il leur faut ensuite passer et réussir l’épreuve de l’Ahn-Ju.
(Relire ces quelques éléments de lore pour ne pas dire de bêtises m’a donné envie de relire tous les livres de Bottero… Snif.)
Et le but de ce mail, dans tout ça ?
Bref, je me suis encore perdue dans des détails et des exemples au lieu d’aller droit au but : j’utilise moi-même différents modèles d’éducation dans Sublimes ; le plus fréquent (du moins dans le 1er tome) reste celui du duo enseignantǝ / élève.
J’ai donc rapidement fait le tour des termes utilisables pour désigner cellui qui enseigne : mentor, maître, professeur, tuteur, précepteur… dont les féminins ne sont pas toujours évidents !
Si professeur devient professeuse, tuteur se mue en tutrice, ou précepteur prend aisément la forme de préceptrice, certains des féminins de ces mots m’ont cependant posé problème.
Mentor, par exemple, vient du nom du précepteur de Télémaque (le fils d’Ulysse, héros de l’Odyssée). Le prénom est devenu nom commun au début du XVIIIe siècle, suite à la parution des Aventures de Télémaque de Fénelon.
Apparemment, au féminin, mentor deviendrait mentore… Encore un féminin qui ne s’entend pas ! Et comme le mot vient d’un nom propre, rendre le féminin audible se révèle ardu : mentrice ? Mentoresse ?
Le terme de « maîtresse » porte, lui, toutes les connotations qu’on lui connaît ; je l’utilise comme féminin de « maître » sans m’appesantir sur ce double sens sexiste. Pourtant, dans le langage courant, le terme reste souvent au masculin alors que l’on désigne une femme : les notairesses, par exemple, sont appelées « Maître X » (et dans la communauté rôliste Star Wars, j’ai souvent vu « Maître » au masculin pour des femmes Jedi).
Les mots du jour (enfin !)
L’un de mes personnages est Chinois, exilé très loin de chez lui, et prend un disciple sous son aile. Afin de lui redonner un lien, quoique ténu, avec ses origines, je me suis dit qu’il serait intéressant que ce personnage choisisse des désignations chinoises pour lui et son élève.
Je me suis donc renseignée sur le sujet, d’abord toute seule, puis en sollicitant une amie (merci Mathilde), afin de ne pas faire de bévue – et j’ai bien fait !
J’étais en effet partie sur la paire lǎoshī (老师) (« professeur ») / dìzǐ (弟子) (« élève »).
Or cette paire n’en est pas une et n’a culturellement aucun sens.
Lǎoshī (老师) est en effet un terme communément utilisé aujourd’hui, alors que dìzǐ (弟子) est le nom donné aux disciples confucéens en Chine médiévale ; il est donc plutôt daté, quoique compris par les sinophones, je suppose de la même façon que le terme « disciple » pour les francophones.
Avec lǎoshī (老师), j’aurais dû préférer xué shēng (學生), qui signifie « élève, écolier » ; ces deux termes sont utilisés au cours du parcours académique actuel.
Cependant, le côté plus archaïque, plus révérencieux et solennel de la dénomination confucéenne m’a séduite, d’autant plus que le terme est polyvalent : il s’applique aux étudiantǝs en philosophie, et plus généralement en matières théoriques et intellectuelles, autant qu’aux disciples de maîtres d’arts martiaux (tai-chi, kung-fu…) ou encore à des apprentis dans les secteurs de l’art et de l’artisanat.
La spécialité de mon personnage enseignant se situe au croisement de la théorie et de la connaissance scientifique, tout en y mêlant une grande part d’artisanat : deuxième argument pour préférer la paire plus ancienne.
J’ai donc demandé quel était le pendant de dìzǐ (弟子) : il s’agit du terme shīfu (師父).
Oui, tout à fait, comme dans Kung-Fu Panda.
Oui, Maître Shifu s’appelle donc « Maître Maître ».
Dernière remarque : grâce à mes bases en japonais (et quand je dis « bases », c’est vraiment le bas des bases), je me suis aperçue que shīfu (師父) s’écrivait avec le caractère de « père » (父), ce qui a tout de suite et encore une fois une connotation très genrée. J’ai donc humblement demandé si on pouvait remplacer par le caractère de « mère » (母) (car le personnage en question est féminin).
La réponse ? Le mot ainsi composé, 師母, désigne… l’épouse du maître. Évidemment.
Par conséquent, j’ai préféré conserver la forme masculine, dont le patriarcat ne ressort que peu dans mon écriture, puisque je n’utilise que le pinyin, c’est-à-dire la transcription en alphabet romain.
Voilà pour cette édition un peu spéciale des Mots du jour, j’espère qu’elle t’aura divertiǝ et je te dis à mercredi !
Alors, I'm confused ! je déteste le GIF qui saute au visage et empêche de lire, mais j'adore apprendre que Maître Shifu s'appelle Maître Maître ! Ca va me faire ma soirée, hihi !