Montrer pour dénoncer, avertir pour protéger
Pour celles et ceux qu’il l’ignorent, les thèmes abordés dans ma trilogie sont assez violents, sexuels, graphiques. Ces scènes ne sont jamais gratuites et s’inscrivent toujours dans une démarche de dénonciation : j’ai besoin de montrer pour critiquer. Or, je me refuse à confronter mes lecteur·ice·s à des scènes qu’iels n’étaient pas prêt·e·s à consommer. J’ai donc envie de pouvoir les avertir de ce contenu choquant.
Mon inspiration : les fanfictions
J’envisage donc d’utiliser le système des traumavertissements (ou trigger warnings en anglais), que j’ai pour ma part découvert sur les plateformes de fanfiction, il y a bien quinze ans désormais. Comme leur nom l’indique, les fanfictions (ou fanfics) sont des récits écrits par des fans et qui se basent sur une œuvre existante (livre, série, manga, film). On compte un nombre faramineux de fictions de ce type sur l’univers d’Harry Potter par exemple, et Fifty shades of Grey (Cinquante nuances de gris) était à l’origine une fanfiction sur Twilight. Une petite note en passant : le genre des fanfics est considéré par le grand public comme une sous-littérature, ce que je trouve dommage… et peu surprenant, puisque la plupart des autrices de fanfiction sont des femmes (article en anglais).
Et c’est quoi, les traumavertissements ?
Le but de ces avertissements est de prévenir les lecteur·ice·s d’un contenu qui pourrait éventuellement la ou le trigger, c’est-à-dire déclencher une réaction non souhaitée à la lecture, comme par exemple un rappel traumatique. Les fanfictions ont démocratisé cette construction : dans les tags, ou étiquettes, de chaque fiction, on pouvait lire « TW : abuse » (soit « avertissement : violences sexuelles ») ou « TW : MC death » (soit « avertissement : mort du ou de la protagoniste »). Ainsi, si la ou le lecteur·ice ne souhaitait pas se confronter du tout, ou simplement en cet instant, à un texte qui pouvait lui provoquer entre autres une réaction émotionnelle d’inconfort ou d’angoisse, iel pouvait passer son chemin.
L’avantage des plateformes de fanfiction, c’est que les trigger warnings se positionnent au début du texte entier ou en début de chapitre, en fonction du choix de l’auteur·ice. Pour un roman, comme le mien, et que j’espère publier au format physique, l’exercice est plus difficile. Faire inscrire en quatrième de couverture des avertissements de type : « mentions et/ou descriptions d’agressions sexuelles, viols, violences, tortures » ne risquerait-il pas de rebuter une partie du lectorat, par principe ?
Comment m’y prendre ?
Une proche amie (coucou Elisa) me recommandait pour sa part d’inscrire un « Avertissement » en début de roman, qui me permettrait non seulement de signaler aux lecteur·ices la teneur de certains passages du texte, mais aussi d’expliquer la raison d’être de ces scènes.
Voici la première mouture de cet avertissement :
Avertissement
Afin d’éviter une surprise déplaisante à la lecture, je me permets de prévenir tout·e lecteur·ice que cet ouvrage comporte des scènes de violence physique et/ou sexuelle, ainsi que des descriptions graphiques.
Ces scènes peuvent causer du désarroi ou du mal-être, ce qui n’est pas l’objet de ce livre. Les trames individuelles ne sont pas centrées autour des événements traumatisants ; ces expériences font partie de la construction des personnages, sans les définir.
Mes héro·ïnes rencontreront des situations difficiles voire atroces ; cela ne les empêchera pas d’évoluer et d’être maître·sses de leur destin.
J’espère qu’armé·es de ces recommandations vous saurez affronter, comme les protagonistes, les événements des prochaines pages – et, malgré tout, que vous y trouverez divertissement et même plaisir.
L’autrice
Qu’en pensez-vous ?
Cette formulation vous rebuterait-elle ? Vous empêcherait-elle de vous plonger dans ce roman ? Si oui, pourquoi ? N’hésitez pas à me faire part de vos réponses ici :
Et comme toujours, si cet article vous a plu, n’hésitez pas à le partager :
À la semaine prochaine !
Coucou Emma
Je trouve ça super intéressant que tu soulèves la question (et que tu te la poses) et que tu penses mettre ça en début d'oeuvre.
Pour ma part, n'ayant jamais été habituée à ce genre de précaution je ne me suis jamais dit que cela pouvait être quelque chose dans les romans ou autres médias de communication. Je ne me suis donc jamais attendue à lire un TW en début d'oeuvre (bien que j'ai déjà vu les TW dans des fanfictions aussi) et j'ai toujours pensé que c'était à moi de devoir "encaisser" ou bien d'avoir fait des recherches au préalables.
Ainsi je trouve ta démarche très positive et surtout je trouve ça intéressant que tu précises que ce n'est pas "gratuit". Je ne pense pas que beaucoup de personne fasse la différence entre de la violence gratuite et "nécessaire" (énorme guillemets). Pour ma part j'ai eu la chance d'être sensibilisée à ça par une très chère amie qui se trouve être ta soeur haha.
Bref, pour répondre à ta question, cela ne m'empêcherait ni ne me rebuterait du tout de lire une oeuvre ayant ce genre de TW en début, je serais même agréablement surprise (et oui je pense que mettre ça en 4eme de couverture est un peu dommage).
Super ton texte! Personnellement ça ne me rebuterai pas du tout (en tout cas si je sais que je suis dans les bonnes dispositions). Au contraire, j'ai l'impression que ça lance le suspense avant même d'avoir commencé, donc j'ai déjà envie de savoir la suite 🙂