Temps de lecture : 5 minutes
Tous les étés, à l’occasion des Rencontres Musicales de Haute-Provence, un festival de musique classique, nous allions en famille au Prieuré de Salagon.
L’endroit, l’un des plus beaux vestiges de l’époque médiévale de la région, se prête merveilleusement aux concerts : le soleil n’est pas encore couché, mais la chaleur estivale commence à retomber… On arrive avec un peu d’avance, pour se promener un peu, au pied des murs épais, au milieu des parties restaurées – et de celles qui ne sont plus qu’élégantes ruines…
On y retrouve de vieilles connaissances, on y rencontre de nouvelles personnes, on se laisse apaiser par le calme du lieu, par la révérence qui habite ses pierres. Ces soirées d’été dans ce cadre de sérénité majestueuse m’ont inspiré certaines scènes et lieux de ma trilogie…
Mon passage préféré à Salagon reste le jardin – ou plutôt, les jardins.
Le Prieuré de Salagon rassemble plusieurs jardins sur un terrain des plus beaux, des plus poétiques et des plus doux. On y retrouve un jardin médiéval, un jardin des Temps modernes, ou encore un parcours olfactif : le jardin des senteurs. Parmi ceux-là, le carré des simples surpasse tous les autres dans mon cœur d’enfant – et d’adulte.
« Simples » est le nom donné aux plantes médicinales à l’époque médiévale. Fascinée par l’herboristerie, je passais chaque minute avant le début du concert à examiner les plantes : camomille, verveine, basilic… Mon intérêt allait en particulier aux plantes dangereuses : aconit, datura, ciguë…
Si bien qu’un jour, je me souviens avoir cueilli (honte sur moi !) deux feuilles : une de salsepareille (ça, c’est la faute des Schtroumpfs) et une de belladone. Cette dernière a d’ailleurs donné son nom à l’un des personnages de Sublimes.
(Je crois que par la suite, je n’ai jamais réussi à distinguer la belladone de la salsepareille et que donc, je me suis débarrassée des deux, dans le doute.)
C’est une longue introduction au sujet qui m’intéresse aujourd’hui : le traitement des plantes, les sucs fragrants et les nectars mortels… Ils sont rassemblés dans mon roman sous le parapluie de la parfumerie, à qui j’ai donc donné un twist plus… horrifique ?
Pour les scènes qui concernent cette spécialité, je devais savoir ce qui mijotait dans l’alambic. Je me suis donc renseignée sur la fabrication des parfums à notre époque, j’y ai ajouté quelques éléments de sorcellerie et d’alchimie, j’ai distillé le tout et j’en ai recueilli un sublime arôme !
Commençons avec les bases scientifiques
Pour créer son propre parfum, pas besoin d’une armada de béchers, juste de quelques ingrédients et ustensiles : de la vodka à 50° (ou de l’huile de jojoba), des huiles essentielles (produites par distillation de fleurs), de l’eau distillée… ainsi qu’une pipette et un flacon pulvérisateur en verre.
Ensuite, ne reste plus qu’à faire ses petites expériences. Enfant, je m’y étais prêtée avec un orgue à parfums, et j’adorais concocter mes propres senteurs ! (Et pourtant, je n’aime pas tellement porter de parfums…)
Poursuivons avec la composition
C’est bien joli, de connaître les ingrédients, mais la parfumerie a ses secrets – certes pas aussi terribles dans la réalité que dans Sublimes. Je me suis donc intéressée aux ingrédients d’un bon parfum ; pour cela, j’avais besoin de connaître la typologie des fragrances – et les termes utilisés pour décrire une senteur.
En premier lieu, j’ai enfin appris la différence entre l’eau de parfum et l’eau de toilette : il s’agit d’une question de concentration. Tu retrouveras ci-dessous le crescendo de ces concentrations, « classées du plus frais et volatil au plus tenace et puissant » :
L'extrait de parfum est concentré de 20% à 40%, il est intimiste et n'est senti que de la personne qui le porte ou des personnes proches. […]
L'eau de parfum qui peut être concentrée de 15% à 30% est un bon compromis car elle possède à la fois ténacité et sillage.
L'eau de toilette est concentrée de 6% à 20%, moins tenace, elle est plus généralement sentie plus des personnes qui sont dans le sillage que de la personne elle-même.
L’eau fraîche, concentration de 7% à 15%, est constituée de beaucoup de notes hespéridées, de notes aromatiques, cette construction possède souvent des notes de fond chyprées.
L’eau de Cologne classique est composée à 99% d'ingrédients naturels, d’agrumes et de notes aromatiques. C’est la raison pour laquelle, ce produit ne tient pas bien. […] Elle a une concentration de 2 à 6 %.
L’eau de Cologne moderne a plus de notes de tête et de fond, et quelques molécules de synthèse. De ce fait cette eau de Cologne a davantage de ténacité avec une concentration de 4% à 10% environ.
L’eau de senteur est destinée aux bébés et aux touts petits, elle peut être avec alcool ou sans alcool et elle est très peu concentrée.
Composer et fabriquer
Armée de ces informations, je complète mon orgue avec deux précisions supplémentaires : la composition des senteurs et les techniques de fabrication.
Les senteurs d’un parfum sont composées de trois notes (ma triphilie a fait des triples saltos) :
la note de fond, qui rehausse les autres odeurs et les fixe dans la durée
la note de cœur, c’est-à-dire les senteurs dominantes,
et la note de tête, celle qui t’arrive la première aux narines lorsque tu débouches le flacon.
Enfin, je me penche sur les techniques de fabrication, dans l’ordre chronologique :
De la plus ancienne à la plus récente :
L’enfleurage consiste à baigner les fleurs dans une substance graisseuse afin de les épuiser de leur parfum. Exemple : absolu des pommades de tubéreuse.
La distillation est une technique qui chauffe les matières premières grâce à un alambic, le produit obtenu sera l’essence ou huile essentielle. Exemple : essence de rose.
L’expression consiste à presser la peau ou le jus des agrumes. Exemple : essence de bergamote.
L’extraction par solvants volatils consiste à placer les matières premières fraîches ou sèches dans des extracteurs. Les solvants issus du pétrole vont ensuite soutirer les senteurs de celles-ci, en deux étapes. D’abord une cire appelée concrète, ensuite la concrète sera lavée à l’alcool et deviendra l’absolu. Exemple : absolu de rose.
Le head space ou espace de tête consiste à analyser la matière vivante, fleur ou ambiance comme les senteurs d’une forêt, grâce à des capteurs plus ou moins importants, d’analyser ensuite les informations données afin de les reproduire au plus près.
Sofact ou extraction par C02 est une méthode assez récente qui s’approche de la méthode de l’extraction par solvants volatils mais ici remplacés par le C02, gaz inodore. De plus, dans cette méthode la matière première n’est pas chauffée. La qualité sera donc optimale et la senteur très fidèle à la matière première dont elle est issue.
Pour des raisons de fantasy, je ne peux pas conserver les techniques les plus récentes… mais qu’à cela ne tienne, je vais compléter avec des éléments tirés de l’alchimie et de la sorcellerie ! Et, en particulier, je m’intéresse aux…
Philtres d’amour !
Grande révélation : souvent, ces fameux philtres n’étaient qu’une douce litote pour parler… d’aphrodisiaques. Je note bien la liste des aliments et ingrédients qui font partie de cette catégorie, car la parfumerie de ma trilogie exploite bien entendu ces aspects…
Allez, comme je sais que tu te poses la question, voici quelques uns de ces items :
l’huître, qui booste particulièrement la libido des hommes, mais aussi le chocolat noir, les asperges, le céleri et l'ail (clin d’œil à Madame de Pompadour et Henri IV), le gingembre, le safran (coucou Cléopâtre), la vanille ou encore le ginseng.
(Il me semble que le piment en fait aussi partie, comme certains de ces aliments qui « dilatent les vaisseaux des corps caverneux des organes sexuels ».)
Comme à chaque fois que je parle de sciences, n’oublie pas qu’il faut prendre les informations que je donne avec une pincée de poudre de perlimpinpin. Mes sources émaillent le texte – et si tu as des remarques, je suis toujours preneuse !
"l’huître, qui booste particulièrement la libido des hommes"
Aaaaanh ! tout s'explique !! Chéri ? Faut qu'on parle de ta consommation de crustacés !