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Je veux aujourd’hui évoquer une héroïne de la mythologie grecque qui m’a toujours émue : Ariane (et puis quel beau prénom, encore aujourd’hui !).
Évidemment, j’ai envie de vous raconter tous les détails de toute la famille d’Ariane, mais comme la mythologie grecque est un nœud de ramifications qui partent dans tous les sens, je vais essayer de faire simple. Ça va vous faire un effet bœuf.
(Oui, c’était facile.)
Le père d’Ariane est Minos, lui-même le fils d’Europe, une princesse qui a tapé (bien malgré elle) dans l’œil de Zeus, souverain des dieux. Comme d’habitude, Zeus décide donc de se transformer… en taureau pour enlever Europe. Il la laisse ensuite sous la protection d’Astérion, roi de Crète, et c’est là qu’elle donne naissance à Minos – qui devient ensuite roi de Crète.
La mère d’Ariane est Pasiphaé, fille d’Hélios (le dieu-soleil, littéralement) et de Persé, une Océanide (nymphe des océans). Son nom signifie « celle qui brille pour tous », ce que je trouve aussi très beau, soit dit en passant. Pasiphaé – entre autres la sœur de Circé, la magicienne polymorphe – est à la fois magicienne, souveraine et divinité vénérée en Crète.
Ensemble, Minos et Pasiphaé ont au moins huit enfants – dont Ariane.
Minos, de son côté, a des enfants adultères… mais c’est du bâtard de Pasiphaé qu’on se souvient… alors qu’il ne serait pas né sans les bêtises de Minos !
Oui, parce que Monsieur le Roi de Crète décide de demander à Poséidon (le dieu des océans, tout de même) de prouver sa puissance en faisant surgir un magnifique taureau sur la plage… qu’il lui sacrifiera aussitôt.
(Oui, je reste sur ma tangente bovine.)
Sauf que Minos trouve le taureau si beau qu’il l’ajoute à son cheptel et en sacrifie un autre à Poséidon. Franchement, une très mauvaise idée quand on connaît la susceptibilité divine en Grèce. Poséidon n’apprécie pas la trahison et enrage le taureau, qui ravage l’île. Puis, pour couronner le tout, il provoque en Pasiphaé une passion irrésistible pour la bête.
La reine demande donc de l’aide à l’inventeur de la cour, Dédale, qui lui construit une vache creuse en bois dans laquelle se place Pasiphaé pour… s’accoupler avec le taureau.
Vous vous en doutez, son enfant est mi-humain, mi-taureau : il sera Astérion, plus connu sous le nom de Minotaure.
Furieux d’avoir été ainsi ridiculisé, Minos demande à Dédale de construire un labyrinthe dans lequel enfermer le bâtard hybride. Parallèlement, il écrase les forces d’Athènes et exige que la cité lui envoie tous les 9 ans 7 jeunes hommes et 7 jeunes femmes à donner en pâture à son monstre de beau-fils.
(Ce qui m’a toujours interpellée, parce qu’un taureau c’est pas carnivore et ça n’a pas les dents pour mâcher de la viande… mais bon.)
Parmi ces 14 jeunes gens s’infiltre Thésée, le fils du roi d’Athènes (et à la fois de Poséidon, mais c’est une autre histoire) et d’Ethra. Ce jeune homme a déjà fait ses preuves, notamment contre… un taureau.
Il a bien l’intention de mettre fin au joug crétois sur Athènes en vainquant le Minotaure.
Il n’y serait pas parvenu sans Ariane, qui s’éprend de lui – ou plutôt, qu’il séduit pour l’utiliser : marre du trope de la femme séductrice qui se sert de sa beauté pour parvenir à ses fins alors que l’inverse est courant dans la mythologie. En plus, dans le même temps, on dit que ce sont les faibles femmes qui tombent amoureuses toutes seules… C’est bien beau, de mettre toujours la responsabilité sur les femmes et de dire « oh non, cet homme a été séduit par cette vilaine enchanteresse » puis « oh non, il n’a rien fait, cette princesse est tombée amoureuse de lui comme ça ». Pourquoi pas dans le sens inverse, hein ?
Bref, Thésée séduit Ariane. Après tout, il est beau, jeune, fort, courageux, héroïque, charismatique et il sait quels mots utiliser pour la faire craquer.
Elle trahit donc son père pour l’aider. D’une, elle arme Thésée du glaive forgé par Héphaïstos lui-même (dieu de la forge) et offert à Minos lors de son mariage avec Pasiphaé : Ariane donne donc l’arme de ses parents à Thésée pour qu’il tue son demi-frère. Terrible. De deux, elle dévide pour lui un fil – le fameux fil d’Ariane – dont Thésée tient l’autre bout, afin qu’il puisse retrouver son chemin depuis le centre du labyrinthe – en échange d’une promesse de mariage.
Pensant que c’est Dédale qui a aidé Thésée, Minos enferme son inventeur avec son fils Icare, mais Dédale parvient à s’enfuir… sans pouvoir sauver son fils. Mais c’est une autre histoire.
Revenons à Thésée, qui est un sacré saligaud, parce qu’une fois le Minotaure occis, il emmène Ariane avec lui… puis l’abandonne sur une île en chemin, Naxos. (Et plus tard, il épousera Phèdre, l’une des sœurs d’Ariane, pour couronner l’ignominie !)
Ariane a le cœur brisé et pense mourir de chagrin, utilisée puis abandonnée par Thésée… jusqu’à l’arrivée de nul autre que Dionysos, dieu du vin, de la joie, de l’incontrôlable. Il la console, l’inclut dans sa suite, s’attache à elle… et elle à lui.
Alors Thésée peut bien aller se faire voir, parce qu’Ariane a trouvé mieux que lui : un dieu – et un dieu charmant, qui s’efforce de la faire sourire et de la contenter, qui la rend immortelle et obtient même une constellation en son honneur.
Quant à Thésée, tellement fier de sa victoire et de sa trahison, il en oublie de changer les couleurs de ses voiles et les laisse noires. Or, il avait annoncé à son père, le roi d’Athènes, qu’il changerait la couleur des voiles s’il revenait victorieux. Son père, Égée, voyant les voiles noires, pense que son fils est mort et se jette du haut de la falaise… donnant son nom à la mer dans laquelle il se noie.
PS : Ce que j’adore (encore) dans le jeu Hadès, c’est que le personnage de Thésée, un des boss, est INSUPPORTABLE. Les développeusəs ont tout à fait compris le personnage. (Le Minotaure, lui, est tout gentil – et dur à battre – mais il… apprécie Thésée, pour une raison que je ne comprends toujours pas.)
(Oui, j’ai des rancunes personnelles contre certains personnages de la mythologie grecque. Je crois que ça fait partie du package quand on s’y intéresse de trop près…)
⚠️ prendre avec des pincettes, c’est qu’une théorie...
Peut-être que le Minotaure mange des être humains (ignominie s’il en est) parce qu’il est le fruit d’un autre interdit aux mortels, la bestialité. Comme une sorte de changement de nature induit par la transgression de sa mère.
A mon avis, si y’a un truc qui n’a pas changé, c’est qu’on considère encore que c’est toujours la faute des mères quand leurs enfants ont des soucis...
le nombre de femmes à qui on sous-entend que si leur gamin est au choix hyperactif, autiste, psychotique, c’est parce qu’elles les ont trop aimé/ trop couvé/ le contraire / pas mangé assez de fraises des bois des montagnes du Pérou (bon peut-être que j’exagère pour le dernier) c’est juste effarant
Merci de recoller les morceaux des souvenirs de cette mythologie étudiée y a une bonne quinzaine d'années !