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Il y a un mot en anglais qui est souvent utilisé pour appréhender la psychologie d’un personnage : le drive, qui peut se traduire par « moteur » ou « intention ».
C’est un élément très important de la création de personnage, probablement plus encore que son âge, son apparence, son ou ses objectifs, son caractère, son approche des relations.
Parce que ce moteur ou cette intention est au centre de ce qui le fait tiquer, vibrer, agir.
Pour les personnages de fiction, l’importance de cet élément est aussi grande parce que c’est ce qui va expliquer la réaction dudit personnage face aux situations dans lesquelles il se retrouvera. C’est aussi le fil directeur de son développement, parce que – et c’est là qu’on commence à glisser de la complexité dans son intrigue – le drive peut évoluer, changer, se métamorphoser, voire devenir l’opposé de ce qu’il était au début.
Et c’est aussi en se basant sur le drive qu’on peut créer des parallèles, des intersections, des oppositions entre les personnages.
C’est là-dedans que peut se nicher tout le tragique d’une relation.
Par exemple, prenons un couple très amoureux : A et B. Iels ont l’air alignéəs dans leurs objectifs, dans leurs attentes, parce que leurs moteurs sont similaires.
Hélas, ils sont similaires, mais un seul détail les distingue, et c’est le détail qui finira par les séparer.
Ainsi, le drive d’A est « je veux me battre pour un monde meilleur » et celui de B est « je veux un monde meilleur pour nous ». On retrouve le même idéalisme, le même objectif final. Mais là où A est prêtə à se battre pour y parvenir et améliorer le monde pour toustes, B ne se concentre que sur leur couple.
Peut-être que cette différence sera à l’origine de conflits entre les deux. Peut-être que B sera prêt à sacrifier d’autres personnes dans ce but alors que ce serait inconcevable pour A. Peut-être que l’unə des deux sera capable de changer son drive par amour. Peut-être pas.
Toujours est-il que la tension se situe dans cette si subtile différence.
Le drive est aussi très utile pour définir unə protagoniste, X, et saon antagoniste, Y : la tension entre ces personnages fonctionne d’autant mieux si leurs moteurs sont similaires.
Peut-être qu’en voyant cette similitude entre elleux deux, l’unə changera son drive, par la force des choses. Peut-être qu’on peut utiliser cette similitude pour initier une déchéance morale du protagoniste ou au contraire une rédemption de l’antagoniste.
Parce que le drive ne donne pas tous les éléments.
Par exemple, si X et Y partagent une même intention, mot pour mot, rien ne dit comment iels pensent ou veulent l’attendre. Admettons que ce moteur est « je veux être aiméə » : on peut accepter que l’amour ne se force pas, accepter de montrer ses vulnérabilités, tenter de se racheter… ou bien mentir sur qui l’on est, utiliser des moyens surnaturels (j’écris de la fantasy après tout) et obtenir ce qu’on pense être de l’amour… et qui ne serait peut-être que de l’adulation. (Grosse différence !)
Et c’est là que le moteur peut évoluer : si le protagoniste s’aperçoit que la première solution est la meilleure, son moteur pourra changer. Iel ne voudra plus être aiméə mais se racheter afin de mériter cet amour… et à terme, son drive pourra se muer en « je veux protéger cielles que j’aime », car iel aura compris qu’on ne peut pas être vraiment aiméə sans aimer soi-même.
Je vous laisse imaginer ce qui peut se passer du côté de l’antagoniste…
L’évolution des moteurs est aussi ce qui permet de créer des parallèles là où il n’y en avait pas, par exemple avec deux personnages dont les intentions initiales étaient très différentes, mais qui se rejoignent et deviennent similaires voire identiques par la suite.
Pour information, les drives mentionnés ci-dessus concernent tous des personnages de Sublimes. Et pour le plaisir, et pour que vous voyiez la variété possible de ces moteurs, en voici quelques autres :
« Je veux appartenir [à un groupe]. »
« Je veux protéger les démuniəs. »
« Je veux me venger. »
« Je veux rentrer chez moi. »
« Je veux être à la hauteur de mes parents. »
Et avec des évolutions : « Je veux être libre. » > « Je veux pouvoir être moi. » > « Je veux que tout le monde soit libre d’être soi. »
Primordial.