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« Moins d’Athéna, plus de Prométhée. »
Voilà ce que je me suis dit cette semaine quand je me suis aperçue que je bloquais sur l’écriture du tome 2 de Sublimes.
Mais que voulais-je donc dire ?
Eh bien, j’ai pensé aux mythes de conception liés à ces deux figures de la mythologie grecque et à la façon dont ils s’appliquaient à mon blocage.
Athéna, apparentée à Minerve chez les Romains, est aussi appelée Athéna aux yeux pers (c’est-à-dire, d’une couleur où le bleu domine) ou aux yeux de chouette, ou encore Pallas, ce qui la lie à la sagesse, à la protection des arts et des sciences, ainsi que Niké, la victorieuse, Parthénos, la vierge (forcément), et mon chouchou, Tritogénie, « celle qui fait trembler les méchants ».
Athéna a toujours fait partie de mes déesses grecques préférées.
Une femme en armure ! Une stratège ! Une déesse à qui l’on se réfère pour avoir son avis sur les sujets importants ! Elle ne prend pas (trop) de décisions stupides contrairement à la plupart de ses collègues (et parentəs) divinəs ! C’est la patronne d’Athènes ! Ses attributs principaux sont des armes : l’égide (son bouclier), la lance, le casque (et quel casque !). Son animal est la chouette chevêche ! Son arbre l’olivier !
Et puis, c’est elle qui aide Ulysse, alors que le conseil divin a décidé qu’Ulysse ne serait pas aidé, ni par des mortelləs ni des immortelləs, lors de son long périple vers Ithaque.
Je pourrais vous parler d’Athéna pendant des heures. Je me retiens (pour cette fois…), car j’ai posé les bases du personnages et peux désormais passer à l’explication de mon « moins d’Athéna ». Oui, pourquoi voudrait-on moins d’Athéna ?
(C’était peut-être mon premier crush, en fait. Ah, Athéna…)
La particularité d’Athéna, c’est son récit de naissance…
Vous connaissez Zeus, non ? Roi des dieux, chef de l’Olympe, dragueur invétéré, zoophile (mais que quand c’est lui qui est transformé en animal), caractériel (on pourrait parler d’un caractère orageux, huhuhu), maîtrise les éclairs, la métamorphose et probablement plein d’autres pouvoirs moins importants.
Bon, eh bien voilà que Métis lui a tapé dans l’œil. Métis, c’est une Océanide, une nymphe aquatique, qui se trouve être la personnification de la sagesse et de la ruse. Iels se marient, c’est la fête, elle tombe enceinte ! Sur ces entrefaites, Gaïa (ou Ouranos, ça dépend des versions et il y a une infinité de versions des mythes grecs), qui aurait sans doute dû revoir ses oracles avec les Parques, annonce à Zeus que le fils né de son union avec Métis le supplanterait sur le trône.
Zeus a tendance à prendre très au sérieux ce genre de prophéties, car c’est littéralement la même qui avait été faite à son père à lui, Cronos. Pour essayer d’éviter son sort, Cronos avait décidé de manger tous ses enfants jusqu’à ce que son épouse Rhéa en ait marre, cache le petit dernier (Zeus, donc) et lui fasse manger un rocher à la place. Zeus a grandi, vaincu son père et est devenu le souverain des dieux à sa place.
Maintenant, il aime bien son trône et il n’a pas très envie de se faire évincer et envoyer au fond du Tartare par son propre fils. Il décide donc d’émuler son propre père, mais en prenant le mal à la racine. Attendre la naissance du fils pour l’avaler ? Que nenni ! Il avale directement la mère elle-même, toute entière !
(J’ai très envie de faire une blague salace mais je me retiendrai.)
C’est une façon comme une autre de régler le problème, dirons-nous. Malheureusement, il n’a rien réglé du tout. Parce que d’une part, Métis, enfermée dans les entrailles de Zeus, a décidé de tirer parti de cette nouvelle position (un peu à l’étroit), pour apprendre au souverain des dieux à discerner le bien du mal. Bon effort, Métis. Heureusement que vous êtes toustes les deux immortelləs parce que je vois mal Zeus en bon auditeur. En tous cas, voilà une nouvelle preuve que l’estomac est un second cerveau ? Ou une seconde conscience ?
Je m’égare.
Je disais donc qu’avaler Métis n’a rien réglé du tout. Du tout. Parce que quelques mois plus tard, Zeus développe une sacrée migraine. Pas une petite, hein, parce que Zeus étant aussi le père de Dionysos (autre naissance étrange au passage), il aime bien l’alcool et il gère très bien les gueules de bois.
Là, c’est bien, bien, bien pire qu’une gueule de bois. C’est un lendemain de soirée puissance 10 pendant un concert de death metal, avec en sus une impression de se faire trouer le crâne à coup de marteau-piqueur bien avant son invention. Zeus souffre. (Le pauvre.)
Il souffre tellement que son premier réflexe n’est pas de boire un peu de nectar ou d’ambroisie en espérant qu’elles auront des vertus médicinales, ni de consulter Apollon (entre autres patron de la médecine) ou même le fils de ce dernier : Asclépios, le meilleur médecin de l’humanité.
Non, il va voir son fils à lui (ou pas son fils selon les versions), Héphaïstos, patron de la forge, et lui demande de lui mettre un bon coup de hache sur la tête, histoire de lui ouvrir le crâne et d’en faire sortir la cause de sa douleur. Je suppose que quand on est immortel, les blessures crâniennes sont moins impressionnantes.
Héphaïstos s’exécute, sans même un « t’es sûr pas-Pa ? » (oui, je suis fière de moi), et là, surprise, horreur et putréfaction, euh, stupéfaction : une femme adulte, en armure complète, casquée, la lance à la main, l’égide au bras, surgit, brillante, splendide, terrifiante, hurlant un cri de guerre.
C’est la naissance d’Athéna.
Elle jaillit, parfaite, accomplie, adulte, achevée, de la tête de Zeus.
Est-ce que vous voyez où je veux en venir avec mon « moins d’Athéna, plus de Prométhée » ?
Ce n’est pas de la naissance de Prométhée dont je parle – j’avoue que j’en ignore les tenants et les aboutissements. C’est un Titan, né d’un Titan et d’une Titanide (il fallait que je cale ce si beau féminin), voilà à peu près ce que j’en sais.
Non, ce pour quoi on connaît Prométhée, ce n’est pas sa naissance, c’est sa création. Car il a façonné les hommes (eh oui, il n’a pas créé de femmes ce petit macho, mais c’est une autre histoire) avec de la glaise, de la patience, de l’amour et beaucoup de minutie. Il les a formés un par un, et c’est ensuite Athéna elle-même qui a donné le souffle vital à ces corps inanimés.
Prométhée ne s’arrête pas là : voyant que ses créations sont faibles, on du mal à se défendre contre les autres animaux, il s’introduit dans l’Olympe – avec l’aide d’Athéna – et vole le Feu divin pour donner un outil aux humains dépourvus de griffes et de crocs.
Il est puni par Zeus – non pas parce qu’il a donné le feu au genre humain, ce qui se justifiait, mais parce qu’il a trompé les divinités, et en particulier leur souverain. Il faut dire que Zeus, parmi toutes ses qualités, est également très rancunier. Il condamne Prométhée, enchaîné à un rocher, à se faire dévorer le foie par l’Aigle du Caucase tous les jours, tandis que son organe repousse toutes les nuits…
J’aurais encore plein de choses à raconter sur Prométhée, mais ce mail est déjà assez long, et nous avons déjà l’élément important de son mythe – par rapport à mon assertion initiale.
« Moins d’Athéna, plus de Prométhée. »
C’était une façon pour moi de me dire qu’il faut que j’arrête de m’attendre à ce que jaillisse un texte tout prêt, harnaché, rutilant et parfait lorsque je me mettrai à écrire.
À la place, je dois accepter que Prométhée avait une meilleure méthode de travail : prendre son temps, façonner, améliorer, remettre le travail à l’ouvrage, encore et encore… Et ne pas hésiter à demander de l’aide !
(Surtout si celle qui aide c’est Athéna.)
Je sens que j’ai très très très envie de faire toute une série sur la mythologie grecque, donc préparez-vous : vos samedis seront hellènes1 !
De “Hellas” ou “Hellade”, qui signifient tout simplement… “Grèce”.
Haaaa !
"Vous voyez où je veux en venir ?" => non, pas du tout, jusqu'au tout dernier paragraphe ! Belle technique pour faire lire jusqu'au bout X)