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J’ai choisi une invite d’écriture (un writing prompt) et j’ai écrit.
— Je veux une infinité de vœux.
— Tout le monde sait que c’est interdit.
— Alors je veux 1000 vœux.
— Non, pas possible non plus.
— Bon, d’accord, alors je veux moins six vœux.
La première partie est accessible ici.
Quand ta création a refroidi, tu l’extrais de son moule, tu vérifies la forme, tu ponces même si ce n’est pas vraiment nécessaire. Puis tu quittes le garage, le génie derrière toi, et entres dans la chambre de ta grand-tante. Son odeur douce, de lessive à la lavande et de cambouis, imprègne encore les meubles et les draps.
Tu n’as pas eu l’occasion d’inventorier ses effets, ici, mais tu sais qu’elle avait une boîte à bijoux, avec une jolie chaîne en or. Sans hésiter, tu te diriges vers la commode, construite dans sa période ébéniste, et tu ouvres le coffret. La chaîne est là, en évidence, et tu la glisses à travers l’anneau de l’objet doré, puis le tends au génie.
Iel le prend avec hésitation. Tandis qu’iel l’examine, tu te fends d’une explication :
— La clé de ta liberté.
Une belle clé brillante, à l’ancienne. Elle est un peu lourde et trop fragile pour être insérée dans la moindre serrure, mais elle scintille et, surtout, sa symbolique inverse l’enfermement de la lampe.
Le génie te regarde, le collier improvisé dans ses paumes jointes.
— Merci. Est-ce que… je peux te demander un câlin ?
Tu souris et tu ouvres les bras et c’est plutôt toi qui reçois l’étreinte, tant le génie te dépasse en taille et en largeur. C’est chaud et ça sent la barbe-à-papa et tu laisses durer jusqu’à ce qu’iel s’écarte. Ensuite, à sa demande, tu fixes la chaîne autour de son cou et la clé disparaît sous le tissu de son costume pourpré.
— J’ai mon deuxième vœu, annonce-t-iel.
— Je t’écoute, réponds-tu.
— Je souhaite faire le tour du monde.
Tu t’étouffes un peu et tu proposes une collation le temps de réfléchir à cette demande. Pendant que le génie s’installe à la petite table de la cuisine, tu fais chauffer l’eau, tu allumes le four et tu y disposes les viennoiseries que tu avais laissées dans l’étuve. Tes croissants, tes pains au chocolats, tes pains aux raisins sont harmonieux et appétissants. C’est ta grand-tante qui t’a appris à les confectionner, tu as passé les derniers jours à en préparer, les mains dans la pâte, le cerveau en repos.
Tu en as réalisé beaucoup trop, tu le sais, mais tu avais besoin de t’occuper. Tu étais monté au grenier le temps que cette fournée lève. Celles d'hier et d’avant-hier ont été gâchées faute d'appétit, alors après deux jours de jeun, il était grand temps que tu manges.
Tu enfournes, le thé infuse, et bientôt une délicieuse odeur envahit la cuisine. Tu en as l’eau à la bouche et le génie aussi. Tu sors les gourmandises encore brûlantes. En attendant qu'elles puissent être mangées, tu remplis les tasses en porcelaine et tu ouvres ton ordinateur.
— Qu’est-ce que tu fais ? demande le génie.
— Je commence à préparer notre tour du monde.
— Notre ?
— Tu as déjà vécu dans cette peau humaine ?
— Non, répond-iel.
— Alors il vaut mieux que je t’accompagne. En plus, j’ai toujours voulu faire le tour du monde, mais…
Tu ne finis pas ta phrase et tu te concentres sur l’écran de l’ordinateur.
— Il va falloir que je retape un peu la maison pour pouvoir la prêter pendant notre absence.
Ta grand-tante ne voudrait pas que la maison reste vide si longtemps. Le génie a les yeux plissés. À travers la fente, tu discernes encore les iris rosacés qui te surveillent.
— Quoi ? demandes-tu, un peu sur la défensive.
— Rien, rien. J’attendrai que tout soit prêt alors. Je peux t’aider pour les préparatifs.
Tu acceptes, puis tu le regrettes un peu, parce que le génie n’a jamais tenu un outil, jamais appris à se servir d’ustensiles de ménage ni même à laver ou plier la lessive. Iel ne manque pas d’enthousiasme cependant et ne se décourage pas. Bien vite, vous travaillez main dans la main. Le grenier que tu triais quand tu as trouvé la lampe est rangé. Ce qui peut l’être est donné, le reste organisé. Tu sauvegardes certains souvenirs, tu stockes tes maigres affaires dans des boîtes scellées. La maison est repeinte dedans et dehors, le garage et la forge récurées.
Après quelques visites, c’est une petite famille qui décide de s’installer pour les trois années pendant lesquelles le génie et toi sillonnerez le monde. L’aînée est enchantée de découvrir la cabane de jardin et le coin potager. Elle te promet avec la solennité des enfants qu’elle s’en occupera comme de la prunelle de ses yeux. Le cadet supplie son père de lui apprendre à pâtisser, impressionné par la cuisine suréquipée. La benjamine ne cesse de s’extasier :
— C’est comme vivre dans une maison de poupées !
Les parents sont des artistes : la mère est peintresse, elle ne pouvait rêver mieux que l’atelier dans la véranda ; le père est compositeur-interprète, déjà prêt à investir le studio insonorisé. Il faut dire que ta grand-tante voulait tout tester et qu’elle n’a cessé d’aménager son manoir et de l’agrandir pour répondre à ses envies.
Alors que vous faites vos adieux à la famille ravie, un soupçon te vient et tu te tournes vers le génie.
— Dis, ma grand-tante, elle a frotté la lampe ?
— Oh oui, répond le génie. Elle a fait ses trois vœux.
Tu comprends alors comment cette femme sans héritage et sans ressources financières connues a pu vivre sa vie comme elle l’entendait.
— Un de ses vœux concernait l’argent, non ?
— Oui, comme beaucoup de personnes… Elle voulait acheter la maison de ses rêves, la modifier à loisir, faire tout ce qu’elle désirait et ne jamais manquer. Tu as hérité de ce qui restait.
Vous partez, alors. Vous explorez, vous découvrez, vous partagez. Vous rencontrez des personnes chaleureuses, curieuses, pleines de vie et d’expériences à transmettre. Vous vous émerveillez de paysages et de monuments, vous goûtez des spécialités qui perturbent vos papilles ou agressent vos sens. Vous emmagasinez, pendant trois ans, tout ce que la Terre a de plus beau à vous offrir et vous revenez la tête pleine de souvenirs impérissables, bras-dessus-dessous, inséparables désormais.
La famille te rend les clés de la maison. L’aînée a agrandi le potager, planté un petit verger, semé des fleurs odoriférantes et multicolores à travers l’immense terrain. Le cadet vous a préparé un repas gargantuesque pour votre retour et stocké dans la grange une belle collection de confitures et de conserves lacto-fermentées. La benjamine a fabriqué une reproduction miniature du manoir, une vraie maison de poupées, avec cinq petites figurines aux effigies de ses parents, de ses adelphes et d’elle-même – et deux autres : le génie et toi. La mère t’offre une toile magnifique, le père une sonate inspirée par la maison. Tu les remercies et elleux plus encore.
Alors que le génie et toi savourez une infusion à la menthe du jardin, sur la terrasse de la maison, sous les étoiles estivales, tu demandes :
— As-tu pensé à ton troisième vœu ?
Iel souffle sur sa tisane, remplit ses narines du parfum sucré, puis répond :
— Oui. Je souhaite apprendre quelque chose de nouveau chaque jour.
Tu ne retiens pas le sourire qui étire tes zygomatiques.
— Oh, avec plaisir.
Alors, chaque jour, tu lui enseignes un savoir ou une technique que tu tiens de ta grand-tante : comment utiliser une forge, les constellations nocturnes, la confection des viennoiseries, la mythologie celtique, comment élaborer puis coudre des vêtements – ça, le génie apprécie tout particulièrement, et se crée une garde-robe rose, violette et mauve avec un engouement qui te fait chaud au cœur.
Tu lui enseignes tout ce que ta grand-tante t’a enseigné, jusqu’au jour où tu en as fait le tour.
— Je n’ai plus rien à te montrer, dis-tu au génie après de nombreuses années.
Iel fait la moue, croise les bras.
— Mais je veux continuer à apprendre, proteste-t-iel.
Tu hésites un instant, puis tu te frappes le front de la paume.
— Alors nous apprendrons ensemble !
La suite par ici !
Gros smile du jour :D
so gut wie Teil 1 !