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Tu te rappelles que j’avais commencé à parler de l’importance des noms ?
Mais si, bien sûr que tu t’en souviens ! J’avais évoqué les noms que l’on donne aux personnages, les noms que l’on donne aux lieux et les noms que l’on donne aux espèces douées d’une intelligence similaire à celle des êtres humains (comme les elfes, par exemple).
Puis j’avais fait une petite pause pour évoquer d’autres sujets. Il me semble désormais qu’il est temps d’achever ce petit tour d’horizon avec le dernier type de bionymie (mon petit néologisme à moi pour désigner l’action de nommer le vivant).
Que reste-t-il à nommer ? te demandes-tu certainement. Les règnes ! Non, pas ceux des souverains (quoique, ce pourrait être un sujet futur), mais les règnes animal, végétal, minéral, etc (n’oublions pas que je ne suis pas une scientifique et de ce que je vois sur la page Wiki des règnes, on en est à deux empires et sept règnes).
L’avantage de la littérature fantasy et fantastique (et même science-fiction dans certains cas), c’est la grande richesse des créatures mythologiques : loups- et louves-garous, sphinx et sphinges (oui, c’est le féminin de « sphinx »), vouivres, phénix…
Il est cependant tout à fait légitime, en tant qu’autrice, de vouloir créer son propre rostre animal, végétal et minéral. Et créer une espèce vraisemblable est un exercice passionnant… sur lequel je ne m’étendrai pas aujourd’hui. Non, pour l’instant, je ne parlerai que de leurs noms.
Comme pour tout néologisme qui doit sembler « réel », il faut apprendre à se baser sur… le réel.
(Quelle redondance ! Je dirais même plus : quel pléonasme !)
Alors, comment sont nommées les espèces ?
Commençons par le plus dur : les minéraux.
(Je viens de faire un jeu de mots sans m’en apercevoir. J’adore.)
Le plus dur pour moi, parce que c’est de la chimie, et que je ne parviendrai pas à vulgariser un sujet que je ne comprends pas bien. Je ne me suis donc pas penchée sur les savantes explications scientifiques pour aller jusqu’à imaginer les formules chimiques des minéraux que j’invente.
(Même si, pour être honnête, si je maîtrisais assez la minéralogie et la chimie, je le ferais avec enthousiasme !!!)
J’ai observé les noms des pierres, gemmes et métaux les plus courantes (accord de sens) pour déterminer ceux de mes cailloux grandiloquents et alliages improbables.
Ainsi, j’ai inventé deux types de pierres pour Sublimes : l’adamalite et la théalite. L’un et l’autre nom sont construits sur la racine -lite, qui vient de lithos (λίθος), « pierre, gemme », en grec ancien. Pour les préfixes, je me suis basée sur les propriétés de ces pierres : adamas (ἀδάμας), du grec ancien, signifie « inflexible, inébranlable » ou « incassable » et theùs (θεὺς), « divin, magique ».
J’ai ainsi créé des noms qui signifient littéralement « pierre indestructible » et « pierre magique ». Pour la cohérence, je suis partie du principe que ces pierres pouvaient être exploitées en métallurgie et forgées par le biais d’alliages : l’adaminte et la théante.
Il est tout à fait possible de créer des noms de minéraux sans y accoler le suffixe -lite : des œuvres ont ainsi exploité l’adamantium ou l’adamante (basées sur adamas). D’autres ont repris des métaux anciens, comme l’orichalque qui désignerait le laiton mais a nourri tant de suppositions fantasmagoriques qu’il est aujourd’hui également perçu comme métal mythique ou alchimique.
Passons désormais à un sujet qui m’intimide un peu moins : les règnes animaux et végétaux.
(Par abus de langage, j’y inclus les champignons. Oui, par abus de langage, parce que les champignons sont bien un règne à part.)
La plupart des espèces animales et végétales portent un nom vernaculaire et un nom scientifique. Comme par exemple le coquelicot, dont le nom scientifique est Papaver rhoeas.
Je viens d’ailleurs d’apprendre que le nom courant vient de coquerico, par une association délicate entre la couleur de la crête du coq et de celle de la fleur – tandis que le nom savant, lui, vient de la bouillie (papaver), façon dont étaient consommées les graines de pavot, et de l’écoulement (rhoeas) du latex qui coule d’une tige de coquelicot blessée.
Inventer une faune et une flore à son monde suppose de trouver au moins un nom vernaculaire à chaque espèce que l’on crée. Une activité que je trouve passionnante mais qui peut intimider.
Comme d’habitude, je me tourne souvent vers les racines indo-européennes pour construire des noms. Mais pour cela, il faut connaître l’étymologie des noms que nous utilisons au quotidien.
L’hippopotame, c’est le cheval (hippo) du fleuve (potamus). Le rhinocéros, c’est un animal qui porte une corne (keras, devenu ceros) sur le nez (rhino). La sauterelle, c’est un insecte qui saute. La libellule, vient elle du latin libella… le niveau de maçon, parce que le vol de la libellule est horizontal. L’orchidée au nom si poétique doit son nom au grec ancien órkhis (ὄρχις), « testicule » d’après la forme de ses racines tuberculeuses. Le narcisse, lui, porte le nom d’un héros mythologique tombé amoureux de son reflet.
L’origine des noms d’animaux, d’insectes, de végétaux est donc souvent descriptive, quoiqu’elle puisse aussi être mythologique. En revanche, les sources visuelles qui ont donné leur nom à ces espèces sont… subjectives. Il y a donc de quoi s’amuser !
Je suis restée scolaire pour ma félilluse, un félin à la robe changeante, presque illusoire. Mais déjà mes sillocustes, sauterelles (locusta) des forêts (silva) bénéficient d’une licence poétique, puisqu’il s’agit de petits marsupiaux sauteurs. Le saurvol, lui, est tout simplement une contraction entre saurien et volcanique.
Il faut savoir varier les plaisirs ! De la même façon que tous les noms vernaculaires n’ont pas une étymologie claire et précise, il faut se donner les moyens d’inventer des noms fantaisistes – et qui sonnent pourtant comme des « vrais » mots : avez-vous déjà goûté de la pilode ?
À ce sujet, le plus beau compliment qu’on m’ait fait, c’est : « je ne connaissais pas les sillocustes, donc j’ai cherché la définition sur Internet avant de comprendre que c’était un mot inventé ».
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