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[Hors-Série] Un conte… de Noël ?
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[Hors-Série] Un conte… de Noël ?

Temps de lecture : 7 minutes

Ma participation au Prix de la Nouvelle Érotique m’a remis en mémoire une petite histoire que j’avais écrite il y a fort longtemps de cela. En janvier 2010, pour être précise.

(J’avais donc encore 17 ans – à quelques semaines près.)

Par pure nostalgie, parce que c’est un jour de fête important pour une grande part de la population – et parce que je me retrouve toujours dans cette novellette malgré l’indéniable évolution de mon style et de ma narration –, j’ai décidé de vous partager cette petite réécriture d’un conte de Perrault ! Et je vous souhaite une bonne lecture ;)

(Comme moi, vous rirez sans doute – mais pas avec autant de gêne que moi – de mes tentatives avortées d’humour, de mes faiblesses d’écriture et de mes erreurs de ton… Sans parler de ma déconstruction encore balbutiante… C’est un exercice de vulnérabilité !)

Évidemment, comme les contes sont liés à l’oralité, je vous en propose également une version lue par mes soins !

La Chatte Culottée

Il était une fois, une Fée (nommée Lée) qui s'ennuyait, qui s'ennuyait beaucoup. Alors elle décida d'aller jouer un tour à son auteur Charles Perrault et de s'amuser avec un de ses contes. Elle le trouva endormi sur son bureau, ayant à peine mis le point final à son dernier récit, Le Chat Botté. D'un coup de baguette magique, elle effleura le texte, puis, comme elle était invitée au baptême d'une princesse et qu'elle devait la sauver d'un méchant sort, elle s'envola. Mais que se passa-t-il entre les pages ?

Une vieille veuve de meunier, après avoir ronchonné toute sa vie, mourut finalement, en laissant à ses trois filles encore célibataires le moulin de son époux, une ânesse qui donnait du bon lait, et une chatte tigrée. L'aînée s'empara du moulin, faisant jouer son droit d'aînesse, la cadette se contenta de l'ânesse, et la benjamine se retrouva avec la chatte dans les bras. Elle se jugea fort mal pourvue, et résolut d'écharper l'animal pour se faire un beau manchon de la douce fourrure. La chatte, affolée, lui déconseilla pareille tâche, et, tandis que les sœurs aînées se trouvaient de bons partis et se mariaient, la benjamine et sa féline douée de parole se concoctaient un meilleur futur.

« Maîtresse, donne-moi donc un peu de miel », réclama l'animal.

Perplexe, la jeune fille s'exécuta, donnant le fond du pot de miel qu'elle avait pu sauver.

« Maîtresse, prête-moi ton joli fichu et un de tes jupons », exigea encore le félin féminin.

Toujours aussi ébahie, la benjamine se dévêtit quelque peu.

La Chatte laissa le fichu et le jupon, car elle n'aurait voulu salir ces vêtements, puis partit en quête d'un arbre du verger. Là, elle étala un peu de miel sur une branche et attendit. À son grand dam, le rossignol qui s'y posa ne resta pas collé, comme elle l'avait prévu. Elle sauta donc sur l'oiselet, qui, agile, s'échappa, tandis qu'elle restait collée. Ses miaulements avertirent sa maîtresse, qui vint la libérer.

« Laisse-moi réessayer, maîtresse », supplia l'animal, qui craignait encore la transformation en vêtement à la mode. Magnanime, la jeune fille la laissa faire.

La minette, jugeant qu'elle était trop bonne pour des travaux manuels, s'en alla visiter le chat du voisin, et comme ses appas félins plaisaient au matou, il s'offrit pour l'aider. Agile et puissant, le chat attrapa sans le blesser un faon ravissant. La séductrice féline le remercia bien et s'en fut au château de la Reine, après avoir quémandé à sa maîtresse qu'elle lui fît une petite robe de son jupon. Élégante en diable, la chatte offrit le joyeux petit faon à la Reine comme un présent de la Marquise de Sa Barac.

Le lendemain, la guillerette féline demanda à son ami de lui attraper un autre animal. Il s'en fut quérir deux blanches colombes qu'il lui offrit en gage de son amour débordant. Elle ne put s'empêcher de briser là toute tentative de romantisme en dévorant les deux oiseaux. Le museau couvert de sang, elle s'en alla se faire pardonner par son chevalier servant, qui accepta ses excuses tant elles avaient de poids. Bon prince, il jugea que la bonté de ses services et la beauté de ses appas suffisaient à ce qu'il se traîne à ses pattes. En conséquence, il captura deux autres de ces purs oiseaux. La Chatte Culottée sautilla gaîment jusqu'au palais et fit à nouveau présent de ces oiseaux à la Reine, comme dons de la Marquise de Sa Barac.

Elle offrit chaque jour à la souveraine un ou deux charmants animaux, si bien qu'il fallut bientôt construire une ménagerie, sous la forme d'un ravissant petit pavillon en annexe au palais. En effet, la Reine ne pouvait se résoudre à faire abattre de si mignonnes bestioles, d'autant plus qu'elle était végétarienne et que la viande ne lui seyait pas au teint. Elle s'amusait parfois à gambader avec les lapins dans une ambiance pastorale à côté du petit belvédère.

Un jour, au cours d'une de ses quotidiennes visites, la petite chatte apprit que la Reine allait sortir avec son fils, un jeune homme mélancolique et timide. Comme elle n'était pas étroite – d'esprit – elle s'empressa de courir à la maison, en prenant garde de ne pas salir ses vêtements, car ils lui avaient coûté la fourrure du postérieur (au sens figuré, n'est-ce pas).

« Maîtresse ! Dévêts-toi et saute dans la rivière ! » ordonna-t-elle à la jeune fille, qui ne se posa pas de questions, fit confiance à son animal de compagnie et donc ce qu'on lui demandait.

Bientôt, le carrosse de la Reine passa. La Chatte Culottée se précipita vers sa souveraine amie, en feignant la panique, et prétendit que pendant que la Marquise se rafraîchissait à l'ombre d'un tilleul, un voleur était parti avec ses vêtements – elle en avait vêtu l'épouvantail de sa sœur aînée. La Reine, reconnaissant la Chatte, s'empressa d'aller contempler le drame.

Le Prince en voyant la jolie jeune fille en si simple appareil dissimula son embarras grandissant par un rougissement fort adéquat. La Reine jugea qu'une jeune fille si bien faite devait avoir un bon diététicien. Puis, elle fit quérir pour la jolie Marquise, prodigue en animaux, bien qu'elle n'ait qu'une seule chatte, une de ses plus belles tenues. Hélas, les vêtements d'apparat flottaient sur la prétendue Marquise, sa carrure frêle en étant la cause. On fut donc contrait de la vêtir en Prince, car ils étaient de même morphologie. Il fut surprenant de constater que des deux beaux jeunes gens, le Prince faisait plus Princesse que la Marquise, par ses attitudes empruntées. La jeune fille, elle, rêvait que le Prince lui fut destiné sans qu'elle ne le susse.

Ceci dit, la Chatte était partie en avant et, voyant un grand champ, demanda en papillonnant des cils qu'on dît que ce champ appartenait à la Marquise de Sa Barac. On lui rit au nez. Furieuse, elle appela son amant matou, qui vint avec tous les félins du coin. Devant une telle horde griffue, les laboureurs plièrent et promirent d'obéir.

La Chatte fit de même dans tous les champs, pâturages et vergers, remplis de beaux fruits gonflés de jus, qu'elle passait, et finalement arriva à un magnifique château qui appartenait à une Ogresse, en quête éternelle d'une âme sœur qui la comprît et l'aimât jusqu'à la fin de ses jours. La Chatte, qui connaissait un Ogre terrible, lui passa un coup de fil. C'était un grand sacrifice pour elle, car elle n'avait presque plus de forfait. L'Ogre, ravi de pouvoir rendre service à la Chatte qui l'avait un jour sauvé – mais ça, c'est une autre histoire – enfila ses Bottes de Sept Lieues et arriva en quelques pas. (Il y avait bien un aéroport près de chez lui, mais les Bottes étaient quand même plus économiques.)

En attendant, la Chatte Culottée avait sonné chez l'Ogresse qui s'apprêtait à prendre un nutritionniste pour le goûter.

« Bonjour, dit la féline rusée, je viens de la part de l'Agence Matrimoniale des Contes de Fées et vous avez le profil qui convient le plus parfaitement à l'Ogre : grande, bien baraquée, régime alimentaire anthropophage, riche et surtout, célibataire ! »

À ces mots, l'Ogresse ne se sentit plus de joie. L'Ogre la demanda en mariage et ils eurent une magnifique lune de miel à Hawaï, avant d'aller vivre dans le château de l'Ogre, en plein milieu d'une forêt ténébreuse où l’on avait coutume d'égarer les enfants dont on ne voulait plus.

Quand la Reine, son fils et la Marquise arrivèrent au Palais de l'Ogresse, la Chatte leur en fit les honneurs. Le nutritionniste, que l'arrivée de la Chatte avait sauvé du funeste sort d'être mangé par l'Ogresse, se proposa à la Reine, qui ravie, l'engagea. Par ailleurs, après avoir décidé que la Marquise était bien pourvue – bien qu'il semblât qu'elle nourrît un amour quelque peu immodéré pour les chats (en effet, par tous les champs où était passé le carrosse royal, des dizaines de chats reposaient, surveillant les paysans sans en avoir l'air, afin que ceux-ci affirment bien appartenir à la Marquise de Sa Barac) – la Reine décida le mariage de son fils et de la jeune fille.

Ils se marièrent, eurent deux enfants, et il ne fut pas rare de voir la Princesse partir à la chasse pendant que le Prince cousait au coin du feu. Ils finirent par divorcer : le Prince comprit en effet un beau jour qu'il n’était pas né dans le bon corps et alla demander son aide à la Bonne Fée, avant de devenir la secrétaire d'un richissime milliardaire. Elle abandonna le royaume à son ex-épouse, qui le gérait beaucoup mieux qu’elle (elle n'aimait pas aller joyeusement massacrer des bandits, alors que la Marquise affectionnait tout particulièrement ce genre d'amusement).

Quant à la Chatte Culottée, elle fut traitée avec tous les égards au Palais et ne devint jamais un manchon. Elle se découvrit par ailleurs d'excellentes qualités d'entremetteuse et de créatrice de lingerie. Elle fonda donc une Agence Matrimoniale (dont la première réussite fut le mariage de la Reine et du nutritionniste) et une ligne de sous-vêtements féminins, à son propre nom et effigie. Je vous conseille tout particulièrement la guêpière tigrée, à bordure de fausse fourrure, griffée Chatte Culottée : elle fait miauler en ce moment, et on ne feule pas là-dessus.

La Fée Lée qui passait par là, après avoir sauvé la vie d'une Belle narcotique, s'en alla voir ce qu'il était advenu du Conte. Les Fée Line et Fée Mur la complimentèrent sur son œuvre, et elles s'en allèrent, pauvres fées solitaires, très très loin de chez elles (forcément, le Royaume des Fées est par-delà les Sept Mers, les Sept Royaumes et les Sept Montagnes, vous jetez un coup d’œil chez les Contes Russes et puis c'est la deuxième à gauche).

Quant à Perrault, il avala une mouche dans son sommeil.

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