L'Emmaginarium
L'Emmaginarium
Les mots du mois #8
1
0:00
-6:20

Les mots du mois #8

1

Bonjour bonjour ! Hier, mon outil infolettre a visiblement connu une avarie… tandis que moi, j’avais mangé quelque chose d’avarié. Je n’ai donc pas pu régler le problème avant maintenant ! Désolée pour le retard et bonne écoute ou lecture !

Temps de lecture : 5 minutes

Petite nouveauté : désormais, si tu le préfères, tu peux m’écouter au lieu de lire mon mail du jour !

Allez, je te le dis à brûle-pourpoint : j’ai décidé de renommer les « mots du jour » en « mots du mois ». Pourtant, le titre n’est toujours pas correct à 100 % puisque je ne vais pas parler de mots… mais d’expressions !

Il s’agit de trois expressions que j’aime beaucoup et que j’utilise depuis des années sans connaître leur origine. Je nourris des suppositions, bien entendu, sans pour autant avoir vérifié si mes hypothèses étaient les bonnes.

Je vais donc me mettre instamment en quête des racines de ces – tu l’auras devinétrois expressions. J’en ai le cœur qui bat la chamade !

J’ai réussi à glisser deux de ces idiomes ci-dessus, mais le troisième est moins aisé à intégrer. Peut-être que je parviendrai à le faire dans les prochains paragraphes…

À brûle-pourpoint

Pour rester dans le sens de cette expression, je commence par elle. Commençons par déconstruire la locution : brûler n’a pas besoin d’être défini. En revanche, le pourpoint ayant perdu sa popularité stylistique dans la mode masculine (c’est bien dommage, d’ailleurs), je vais commencer par faire une démonstration :

Par Giovanni Battista Moroni — 1. The Yorck Project (2002) 10.000 Meisterwerke der Malerei (DVD-ROM), distributed by DIRECTMEDIA Publishing GmbH. ISBN : 3936122202.2. Web Gallery of Art:   Image  Info about artwork3. Source inconnue, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=155925

Le pourpoint, c’est le vêtement supérieur, qui collette le cou et s’achève juste en-dessous de la ceinture. Cette veste se portait avec des chausses et comportait d’ailleurs des attaches pour suspendre cet ancêtre du… short ?

Personnellement, je visualise les attaches comme des espèces de porte-jarretelles et je déplore encore les désastreux effets du XIXe siècle sur la mode destinée aux hommes cis. Heureusement, ça a l’air d’évoluer vers quelque chose de plus coloré…

Petit mot sympathique en passant : les fabricants de pourpoints s’appelaient les gipponiers. Je n’ai pas trouvé l’étymologie de ce mot, donc si tu la connais, fais-moi signe !

À l’époque où l’on portait des pourpoints (entre le XIIIe et le XVIIe siècle, c’est dire à quel point ça a mis du temps à passer de mode – et ce, grâce (ou à cause) de Louis XIV en personne !), les pistolets se chargeaient en poudre (et non en balles). Le fonctionnement de ces armes pouvait d’ailleurs se montrer… explosif, au moindre défaut de fabrication ou d’utilisation.

Surtout, si l’on tirait à bout portant, c’est-à-dire presque au corps-à-corps, le pourpoint de l’adversaire risquait de s’enflammer du fait des petites étincelles qui jaillissaient de l’arme. Ainsi, lorsqu’on tirait à brûle-pourpoint, on faisait preuve d’efficacité (plus on tire près, plus on fait de dégâts) et on surprenait son adversaire.

C’est pourquoi, même s’il est aujourd’hui plus difficile de trouver des canons à poudre ou des pourpoints, on continue à poser des questions ou à déclarer ses décision à brûle-pourpoint, c’est-à-dire sans ménagement, brusquement et sans prévenir !

Battre la chamade

Découvrir l’origine de cette expression fait accélérer mon cœur… Mais que signifie cette chamade que notre palpitant est capable de répliquer ?

Eh bien, me voilà bien marrie (promis, je parlerai de ce mot dans un futur article), puisque cette deuxième locution provient également… du jargon militaire ! C’est fou, tout de même, à quel point la soldatesque s’est infiltrée dans le langage courant. À croire que l’histoire de l’humanité s’est écrite sur les champs de bataille…

Pardon, c’était peut-être un peu trop pince-sans-rire.

Et quelle était cette chamade ? C’est le chant de la capitulation (ou de la trêve) !

Lorsqu’un camp voulait demander un cesser-le-feu, il faisait battre la chamade sur les tambours ou bien la sonnait aux trompettes. Seulement, les combats ne s’illustraient pas par leur calme et leur silence, si bien qu’il arriva souvent que s’installe un délai inutile – et fatal pour un certain nombre de combattants – entre le début du son de la chamade et la fin des combats.

C’est pour cela qu’on adjoignit à cette chanson… le drapeau (ou tissu) blanc : avec une annonce à la fois sonore et visuelle, le signal de la trêve devint immanquable et sauva donc de précieuses vies.

Pour ce qui est de l’étymologie : chamade provient d’une racine indo-européenne *k(e)la-, appeler, que l’on retrouve dans de nombreux mots actuels. En français, clamer, en italien, chiamare (appeler, nommer) et même en anglais to call (appeler).

Ainsi, si ton cœur se met à battre la chamade, c’est qu’il se met à battre au rythme des tambours qui appellent à la trêve : vite et fort. L’idiome désigne ainsi le rythme et la puissance cardiaque, mais le sens figuré peut être poussé davantage : un cœur qui bat la chamade est aussi un cœur prêt à « se rendre » à « l’adversaire »…

Pince-sans-rire

Je suis contente, j’ai tout de même réussi à glisser cette expression dans le texte ! Ce n’était sans doute pas la façon la plus adroite, mais je suis satisfaite. C’est important d’être capable de se satisfaire.

Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?

La première fois que j’ai entendu cette expression, je devais avoir… moins de dix ans, ça c’est sûr. Sortie en famille, on passe chez un fleuriste qui a un perroquet, et le fleuriste dit des choses horribles mais en ayant l’air très sérieux. Je l’écoute donc sagement et ressors de là très impressionnée :

— Dis, Maman, c’est vrai que le monsieur va manger son perroquet ?

— Non, ma puce, il est juste pince-sans-rire.

C’est sans doute avec ce monsieur que j’ai découvert le second degré, le sarcasme, l’ironie… bref, ce type d’humour qui m’est totalement incompréhensible. Oui, je l’ai déjà dit, et j’ai même un T-shirt pour le prouver : je suis Team Premier Degré.

L’expression vient de l’ancien jeu Je vous pince sans rire :

Un joueur assis au-devant d'une assemblée subissait de la part d'un maître du jeu des pincements successifs sur diverses parties du visage effectués avec le pouce et l'index enduits de noir de fumée. À chaque pincement, le maître du jeu prononçait la phrase « Je vous pince sans rire », et dès qu'un des membres de l'assemblée venait à rire de ce maquillage, il prenait la place assise devenant à son tour la « victime ».

Ce jeu est devenu… le jeu de la barbichette (« je te tiens, tu me tiens, par la barbichette... »). Même qu’il a existé un concours de la barbichette, sobrement nommé… Barbichette Cup. Je vous jure. Ça fait partie du patrimoine français, vous comprenez.

En fin de compte, un pince-sans-rire, c’est une personne capable d’un humour incisif, qui passe souvent par l’énonciation de l’inverse de ce qu’elle pense, le tout sans trahir la moindre émotion.

(Super pratique à comprendre pour les personnes neuroatypiques, hein ?)

Souvent, ce type d’ironie est associée à l’humour anglais (notamment les Monty Python), qui ont un mot similaire pour le décrire : deadpan, « visage mort » (pan étant du langage familier pour visage, que j’ai envie de traduire par trogne, mais je ne sais pas du tout si ça correspond).

Et toi, Team Premier Degré ou team pince-sans-rire ?

1 commentaire
L'Emmaginarium
L'Emmaginarium
La version audio de ma newsletter bi-hebdomadaire portant sur l'écriture, la construction d'un roman (intrigues, monde, personnages), mes conseils, mes inspirations et mes réflexions !
Écoutez sur
App Substack
RSS Feed
Apparaît dans l'épisode
Emma Schütz