✈️ Et maintenant, la deuxième moitié de ma fiche destinée aux autistes pour vous aider à préparer vos voyages avec un maximum de confort et un minimum de stress. Retrouvez la première partie ici ! ✨
Aujourd’hui : comment prendre soin de soi pendant un voyage, puis rentrer à la maison sans crash post-vacances.
II. PENDANT : énergie, sociabilité et sensorialité
III. APRÈS : sas de décompression, contre-coup et introspection
Temps de lecture : 10 minutes
L’anticipation d’un voyage, c’est un gros morceau, d’où la division inégale de cette fiche : là où la préparation a droit à son article à elle seule, le déroulé sur place et le retour peuvent être rassemblés.
Bon. Vous avez réservé votre voyage, anticipé de A à Z, averti vos comparses de voyage de vos besoins, embarqué des snacks, un casque antibruit et un masque de sommeil.
Non, je n’ai pas donné de conseils pour faire sa valise, parce qu’il y a déjà tout ce qu’il faut en ligne et que ça dépend de votre destination.
Un petit conseil cependant : préparez une liste de toutes les choses que vous emportez systématiquement, peu importe où vous vous rendez, et gardez-la dans une application de notes ou dans un drive facile d’accès. Comme ça, pas besoin de réinventer l’eau chaude à chaque fois, vous avez déjà la base sous la main (bouchons d’oreille, masque de nuit, chargeurs divers, médicaments, papiers…).
Bon, maintenant, en route !
II. PENDANT
1. Énergie
Ça y est, vous êtes sur place ! Alors profitez à fond, mais n’oubliez pas de vérifier toutes les heures que vous avez assez bu, mangé et qu’il vous reste assez d’énergie pour l’activité actuelle ainsi que l’éventuelle suivante et surtout le repas et le retour à l’hébergement.
Si vous fatiguez plus vite que prévu, il vaut mieux annuler une activité ou vous arrêter au milieu plutôt que de forcer et vous casser pour la fin du séjour. Et ce, même si on est déjà à la fin du séjour : l’antépénultième jour au Laos, j’ai fait demi-tour lors de la visite d’un superbe site archéologique, car la chaleur m’avait rincéə. Oui, j’étais frustréə, mais j’ai pu m’asseoir, prendre une glace… et mes vertiges ont fini par partir, ce qui était quand même vachement bien.
Si vous êtes alexithymique comme moi, vous avez peut-être du mal à identifier les signes de surcharge. Soyez attentifve à une mauvaise humeur ou une irritabilité sans vraie raison, un coup de fatigue soudain, un bruit qui vous paraît tout à coup insupportable : ce sont autant de signes possibles de l’approche d’un shutdown ou meltdown.
C’est le moment de faire une pause, de vous poser sur un banc à l’ombre ou dans un café et de laisser quelqu’un d’autre (si vous n’êtes pas seulə) prendre une commande pour vous.
Dans tous les cas, accordez-vous des pauses régulières, même si vous n’en ressentez pas le besoin : demandez-les sans hésiter et/ou profitez de toute demande de pause d’autrui. De toute façon, que ce soit clair : quand quelqu’un demande une pause, on se pose !
Et pour s’ancrer un peu, conservez les parts de routine que vous pouvez exporter avec vous. N’hésitez pas à vous mettre dans votre bulle pendant les transports (avec de la musique, un livre, une activité manuelle…).
Écrire le déroulé de la journée en revenant à l’hébergement tous les soirs a vraiment bien fonctionné pour m’aider à me recentrer en fin de journée et faire redescendre l’adrénaline. En plus, ça permet d’une part de partager tout de suite à vos proches (une photo de la page écrite + des photos de la journée) et de garder des souvenirs (je le relirai avec plaisir dans quelques années).
Et pour les amatricəs de scrapbooking, vous pouvez aussi coller les billets d’entrée des lieux visités, des stickers ou des polaroids le cas échéant.
2. Sociabilité
Si vous ne parlez pas la langue du pays, essayez tout de même d’apprendre quelques mots importants (bonjour, au revoir, s’il vous plaît, merci, toilettes, combien [ça coûte] ?). Même si vous prononcez mal, ce sera apprécié.
Dans le cas de négociations ou de marchandage (ce que je déteste faire), la calculette sur votre téléphone est votre meilleure alliée. Non pas pour calculer quoi que ce soit, mais juste pour montrer le montant que vous avez compris ou que vous voulez payer.
La plupart des interactions ne demanderont pas plus que ces quelques mots, un peu de langage corporel et la calculette, le tout mâtiné d’anglais. Si vous pensez devoir mener des conversations plus complexes, pensez bien à télécharger le dictionnaire en hors connexion sur votre smartphone (par ex avec Google Translate).
Attention si vous voulez pointer quelque chose ou quelqu’un du doigt ou du pied : en fonction des cultures, ça peut être extrêmement malpoli, renseignez-vous bien et tenez-vous-y.
Cependant, l’avantage d’être à l’étranger et d’être touriste, c’est que dans tous les cas vous détonnez et que si vous commettez des impairs sociaux, ils seront attribués aux différences culturelles et géographiques.
Pas besoin de performer ou de masquer autant que chez vous : profitez-en ! Soyez bizarre, ça donnera peut-être meilleure réputation aux touristes françaisəs (les autres francophones, vous avez meilleure réputation de base).
3. Sensorialité
Même si vous voulez absolument goûter les plats locaux, ne vous forcez pas si vous sentez que vous avez besoin de manger quelque chose de plus classique. Il n’y a aucune honte à aller manger une pizza au Laos si c’est ce dont on a besoin pour se recentrer. (Plusieurs. Plusieurs pizzas.)
Tous les matins, vérifiez que vous avez bien votre snack du jour dans le sac ainsi que votre gourde remplie. N’attendez pas d’avoir soif pour boire : mettez-vous des rappels pour boire régulièrement (en particulier dans les pays chauds, mais en général, c’est important aussi).
Au niveau auditif, ne commettez pas la même erreur que moi. Qu’est-ce que j’ai fait ? C’est bien simple, je me suis dit que je n’aurais besoin des bouchons d’oreille que pour les journées de transport.
Que nenni ! Il faut tout le temps les avoir sur soi. Pareil pour les lunettes de soleil ou le pince-nez en fonction de vos sensibilités.
Qui a besoin d’être canon en vacances ? Non, il faut être à l’aise pour profiter au mieux. Le mot d’ordre est donc d’adapter ses tenues aux réalités du terrain (températures + traditions locales). Vraiment. Épargnez-vous les chaussures et vêtements inconfortables, c’est le meilleur moyen de se gâcher une journée - ou les vacances entières.
Aussi, emportez toujours avec vous des pansements (classiques et spéciaux ampoules) et éventuellement une paire de chaussettes de rechange. Elles doivent être douces et de bonne qualité, dans l’idéal. Je parle d’expérience, je ne passe pas un seul séjour sans avoir des cloques aux orteils et aux talons.
Et, je le redis, si c’est trop, n’importe quand, n’hésitez jamais à vous isoler. Le monde ne s’écroulera pas à cause de votre absence (sisi, je vous assure, même si c’est un peu vexant de se dire qu’on n’est pas si importantə que ça).
Avec tout ça, normalement vous devriez passer un bon moment : vous avez tout préparé en amont, vous vous laissez respirez quand c’est nécessaire, vous avez l’équipement pour gérer les déclencheurs sensoriels.
Bien entendu, un shutdown ou un meltdown est toujours possible… et c’est ok. En voyage, on a moins le contrôle et même en anticipant au maximum et en étant attentifve à son état au fur et à mesure, il peut toujours y avoir un imprévu de trop, une concentration trop forte de stimuli sensoriels.
La crise et la récupération passent alors avant tout : pas de culpabilité qui tienne, ce qui compte, c’est de vous reposer. Tant pis si vous restez à l’hôtel alors que tout le monde va faire de la montgolfière. Mieux vaut souffler en solitaire que refaire une crise en plein vol !
(Oui, même si vous aviez déjà réglé l’activité : l’argent est déjà dépensé de toute façon, ça ne change plus rien que vous y participiez ou que vous restiez à l’hôtel.)
Le temps passe vite et du jour au lendemain, il sera déjà temps de rentrer à la maison. Le voyage retour est moins stressant mais on est souvent exténué : c’est le moment de dormir autant que possible dans les transports, équipéə du masque et des bouchons, ou bien en musique.
III. APRÈS
Vous avez passé le pas de la porte de votre maison. Vous êtes de retour dans votre petit cocon. C’est le retour, ça y est.
Mais pour atterrir sans crash, il faut préparer une belle piste, sinon le retour de vacances vous verra plus crevéə qu’au départ, ce qui est un peu dommage (et ce qui a longtemps été mon cas).
1. Prévoir un sas de décompression
Je comprends la tentation de se prendre des vacances du premier au dernier jour de congé, revenir le dimanche et retourner au travail le lundi. On a envie de rentabiliser le peu de jours qu’on peut se libérer et de profiter le plus possible sur place.
Franchement, rien ne peut vous empêcher de faire ça, d’avoir une semaine de retour au taff « un peu » dure (ou carrément en mode zombie) et de finir de récupérer le week-end suivant. Ça dépend vraiment de vos envies, besoin, intérêt pour votre travail, capacité à travailler quand vous êtes fatiguéə.
J’admire toutes les personnes qui sont capables de ça, mais ce n’est clairement pas mon cas et, avec les années, même en rejetant de plus en plus les exigences de productivité capitalistes, j’ai appris à me donner des vacances post-vacances.
Alors, oui, dit comme ça, ça fait tout de suite nabab privilégiéə ou feignantə patentéə. Le handicap n’est pas un privilège, pourtant, et les aménagements non plus. Ces vacances post-vacances sont une adaptation, une réponse à la fatigabilité – autistique dans ce cas-ci, mais je ne doute pas que ça s’applique à plein d’autres handicaps.
Longue intro achevée, venons-en au but : prévoyez au moins deux ou trois jours après votre retour sans rien. Grand maximum je vous autorise à vider votre valise, mais à part ça, rien. Nada.
C’est donc quelque chose à anticiper avant le voyage et à prévoir dans le budget : faire en sorte qu’il y ait de quoi se nourrir facilement pendant ces 2-3 jours, ou commander à livrer, ou demander à unə proche de vous apporter à manger (sans sociabilisation).
Pas de lessive, pas de gestion de mails, pas de rendez-vous. Juste du repos.
Dans l’idéal, on peut avoir prévu le planning des plats (même s’ils ne sont pas déjà faits ou achetés) pour toute la semaine, afin d’éviter la paralysie décisionnelle.
(Je peux vous assurer qu’après deux semaines de restaurants, snacks et buffets petit-déjeuner, devoir remettre en route la machine de la planification des repas était dur et douloureux. La prochaine fois, je serai plus tendre avec le moi du retour de vacances et j’anticiperai ça aussi.)
La reprise pourra avoir lieu après ces trois jours de repos et de détente. Je vous assure que vous en aurez besoin et que vous les savourerez, surtout s’ils sont anticipés et que vous vous êtes donné la permission, non, l’ordre, de prendre ces deux-trois jours post-vacances.
C’est prévu, il faut donc le faire.
2. Accepter le contre-coup
Après un séjour à l’étranger, le retour peut désorienter. Même si vous avez su vous écouter pendant le voyage, il est probable que vous ayez tout de même accumulé un peu de fatigue (rien que parce que les hébergements ne vous ont pas offert la même qualité de sommeil qu’à domicile, par exemple). L’adrénaline de la découverte et le stress des imprévus retombent en même temps.
C’est normal, mais évidemment ça se cumule, et quand ça retombe (parfois plusieurs heures après avoir franchi le pas de la porte), ça peut être violent.
Il ne faut pas, en revanche, juger la qualité du voyage à l’aune de l’état au retour. La fatigue soudaine et prenante est plus probablement liée à l’autisme – et elle ne veut pas non plus dire qu’on ne « sait pas voyager ». On a juste besoin de s’en remettre, comme de la plupart des activités sociales et/ou hors de la maison.
C’est normal que pour une activité qui dure plusieurs jours voire semaines le temps de récupération soit, lui aussi, un peu plus long.
Et le plus important, pendant ce temps de récupération, c’est de résister à la tentation de rattraper le retard à tout prix !
Oui, on a eu des notifications et reçu des trucs admins pendant les vacances. S’ils ont pu attendre jusqu’à votre retour, ils pourront bien attendre 3 jours de plus. Si ça vous stresse, notez-les-vous sur votre bullet journal, dans votre calendrier virtuel ou sur le tableau effaçable sur le frigo. Pour dans 3 jours.
Et, même à la reprise, attention à ne pas être trop gourmandə : c’est vraiment le moment de remplir ses journées petit à petit, à 40% de ses capacités le 1er jour de reprise (donc le 4e post-retour), puis à 45%, etc – sans dépasser les 60-75%, comme je le disais ici.
Une reprise progressive permettra une reprise plus efficace à terme, alors que si vous essayez de tout faire à fond dès le retour et que vous vous laissez submerger par la peur du retard ou d’en avoir trop « raté », vous allez vous épuiser instantanément, faire des erreurs ou simplement être en-deçà de vos propres attentes, ce qui n’est jamais bon pour l’estime de soi (oui bonjour les perfectionnistes, je vous voiiiis, je suis avec vouuuuuus).
3. Faire le point (si envie)
En revanche, ce que vous pouvez faire au retour ou dans les semaines qui suivent, c’est écrire un petit retour d’expérience (comme moi pour le Japon ou le Laos), pour vous, vos proches ou vos abonnéəs.
C’est aussi un bon moment pour trier ses photos, en faire un album, effacer celles qui ne sont pas réussies, achever le carnet de voyage et le scrapbooking ou dessiner ses souvenirs.
Une petite introspection n’est jamais de trop (oui, je sais que je m’adresse à des autistes) : essayez de faire le point des stratégies qui ont fonctionné, faites le point sur celles qui ont péché, estimez celles qu’il faudrait mettre en place pour la prochaine fois.
Chaque voyage n’est qu’une étape, en fin de compte.
En termes de sociabilité, partagez (sur) votre retour si vous en avez l’envie et l’énergie, mais si vous préférez quelques jours de solitude : offrez-les-vous !
Ils sont nécessaires, et personne n’a à vous en vouloir (sauf si vous avez des enfants. C’est plus compliqué avec des enfants, je l’imagine volontiers. Mais en vrai, si vous pensez que ça peut vous aider et en fonction de leur âge, anticipez avec elleux comment gérer le post-vacances et la reprise de l’école. Ça ne peut pas faire de mal.)
De la préparation du voyage à la reprise, je vous ai donné toutes les clés dont je disposais. Je ne prétends pas à la science infuse, donc clairement, il en manque ou il y en a trop, en fonction de chaque personne. Mais avec un peu de chance, vous aurez pu glaner quelques items à mettre dans votre valise.
Ce n’est pas parce qu’on est autiste qu’on n’aime pas, ne peut pas ou ne veut pas voyager. Au contraire, je pense que certains profils font d’excellents globe-trotters.
En revanche, comme à peu près tout dans la société dans laquelle nous vivons, tout tourisme implique des imprévus, des difficultés et donc des adaptations nécessaires.
C’est en les anticipant autant que possible, en s’écoutant pendant le séjour et en s’octroyant un temps de récupération qu’on se donne, à mes yeux, les meilleurs moyens pour en profiter le plus possible !
Et vous, quelles sont vos stratégies pour voyager sereinement ? N’hésitez pas à me répondre ou à commenter si vous souhaitez enrichir la fiche !